jeudi 2 février 2012

Farine Le Pen.

Le jet de farine (l'enfarinage, comme disent bizarrement les médias) contre Français Hollande est bien sûr un incident mineur, les risques du métier selon la victime. Mais il ne faut pas sous-estimer ou prendre à la légère cet acte plutôt rare, qui porte atteinte à la personne même si le fait est sans gravité, qui s'en prend symboliquement au possible futur président de la République. Le geste est révélateur d'un climat plutôt préoccupant.

La personne incriminée a été un peu trop vite rangée dans la catégorie des cas pathologiques (c'est classique dans une société qui ne croit plus qu'en la psychologie). Mais ce passage à l'acte, sans doute inhabituel, est aussi autorisé ou encouragé par la disqualification qui frappe la classe politique. Ce n'est pas de l'anarchisme à la façon du célèbre entartreur belge de personnalités. C'est beaucoup plus inquiétant : une montée d'hostilité envers les hommes politiques qui se traduit inévitablement par des comportements transgressifs.

Le choix de la farine n'est pas innocent (un verre d'eau n'aurait pas eu le même effet symbolique). Qu'a-t-on voulu ? Transformer François Hollande en clown blanc ou en fantôme, le rouler dans la farine la veille de la Chandeleur ? C'est le ridicule qui est recherché. L'intention est de dégrader, de rabaisser, pas simplement de contester. Aussi minime soit-elle (la farine aveugle mais ne fait pas mal), cette agression est insupportable, sa signification est inacceptable.

Le respect dû aux hommes politiques (comme à n'importe quel citoyen) est à la base de la démocratie. Je n'ai pas le coeur à en rire. La mentalité républicaine exige de tous ce respect. Quand Nicolas Sarkozy a doucement traité de pauvre con un quidam au salon de l'agriculture, on oublie que c'est parce que l'individu en question avait renoncé à la courtoisie républicaine élémentaire qui consiste à répondre à la poignée de main du chef de l'Etat. Celui-ci a eu parfaitement raison de réagir négativement, sauf qu'il aurait dû le penser mais ne rien dire. L'attitude indigne méritait l'indifférence et le mépris, pas l'insulte, encore trop belle pour elle.

Je crains que ces gestes hostiles à l'égard de nos hommes publics ne se multiplient. Deux facteurs y contribuent : l'existence d'une extrême droite qui passe son temps à dévaloriser et à déligitimer la classe politique, la présence d'une culture médiatique de la dérision qui prend plaisir à enfariner (là pour le coup j'emploie l'expression) les hommes politiques pour en faire des guignols. A quoi s'ajoute une parole politique contemporaine qui s'est considérablement lissée, aseptisée, dévitalisée. La conséquence en est que le geste a pris la relève, violent à la place du verbe. Cette histoire de farine est plus préoccupante qu'elle ne le laisse paraître. La République n'est pas en danger mais elle est offensée, quoique en pensent les rieurs.

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