samedi 12 novembre 2011

Histoires de sexe.

DSK barbu, blanchi, seul dit-on dans son appartement des Vosges, sa femme au Maroc, lâché par ses amis : triste fin ? Je ne sais pas, la politique est sans fin, on se refait vite. Mitterrand après l'Observatoire était mort ; il songeait même au suicide. DSK n'en est pas là, je ne crois pas. Et puis il y a cette histoire de SMS, assez dérisoire, peut-être une manip', allez savoir : la bête est blessée, à terre, il est tentant de l'achever. Pas de quartier, pas de demi-mesure. Mais qui ? D'où ? Personne en particulier, tout le monde, l'opinion. DSK a été aimé, il est maintenant haï. Mitterrand aussi, en son temps, a connu ça.

Drôle d'histoire tout de même, en trois phases : d'abord mai-juin, l'arrestation et la cage dorée, les Français interloqués, stupéfaits, traumatisés, ne comprenant pas, subodorant le complot, vexés de voir un des leurs humilié par une justice étrangère. Ensuite juillet-août, la réhabilitation, DSK innocenté et libéré, son accusatrice à son tour accusée, son retour dans la course présidentielle follement envisagé. Enfin septembre-octobre, l'incroyable paradoxe : alors que l'affaire Banon tombe elle-aussi, alors que DSK fait brillement à la télévision la démonstration de son innocence et de sa force retrouvée, patatras, l'opinion l'abandonne, se retourne, ne veut plus de lui !

J'ai déjà expliqué, dans un précédent billet, les raisons de cette apparente contradiction : l'opinion voulait une victime couverte de cendres, défaite, s'excusant, attirant sur elle la compassion ; elle a retrouvé un homme fier et souriant, sûr de lui et combatif, ne renonçant à rien pour l'avenir : faute de goût, d'après les canons moraux d'aujourd'hui, où il faut jouer l'humilité pour être bien considéré. Bravo Strauss de n'avoir pas cédé à l'air du temps !

Cette drôle d'histoire, qui montre combien l'opinion est versatile et influençable, est aussi une histoire de sexe, qui apprend beaucoup sur le rapport de notre société à la sexualité. Dans les années 1950-1960, le sexe dont on parle en fin de repas relevait de la gaudriole, qui faisait pouffer ou rougir. C'était la sexualité de boulevard, bourgeoise voltairienne, égrillarde, avec l'emblématique figure de l'amant dans le placard. L'époque des maisons closes n'était pas si éloignée, les prostituées s'appelaient encore filles de joie ou, charmante expression, femmes de petite vertu. Jusque dans les années 70, Serge Lama, qui ne songeait pas alors à maigrir ni à rajeunir, pouvait chanter et célébrer sans problème Les p'tites femmes de Pigalle.

Dans les années 1970-1980 s'ouvre une nouvelle période de la sexualité, libérée, émancipatrice, populaire, à la suite de Mai 68, de Sylvia Kristel et du porno dans les cinémas familiaux. On ne rit plus, les putes protestent contre l'exploitation, l'individu ordinaire veut jouir sans entrave. C'est le sexe pour tous, branché, moderne ! Les homos sont de la partie, et quelques autres. Le sida, la crise, le retour de la morale vont refroidir tout ça.

Dans les années 1990-2000, où nous sommes encore, un néo-puritanisme d'origine américaine s'est installé. La sexualité doit être clean. Le crade est réservé au net. La valeur du respect est désormais hégémonique. Plus question de rigoler ! DSK tranche avec ça : c'est le sexe à l'ancienne, léger (1950-1960) et libéré (1970-1980). Aujourd'hui, ça ne marche plus, c'est mal vu. Autre facteur : la valorisation des sentiments, partout présents, qui rend difficilement acceptable une sexualité vécue seulement pour elle-même.

Drôle d'époque quand même : le viagra se vend par tonnes sur internet et les sex toys font l'objet de démonstration à domicile ! Les hommes ont besoin de pilules pour bander et les femmes de petits canards pour jouir. Et si DSK était le chien pelé, la brebis galeuse, le bouc émissaire qu'on dénonce pour mieux racheter nos turpitudes et nos contradictions en matière de sexe ?

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