mardi 15 novembre 2011

Figures de style.

Un conseil municipal ce n'est pas seulement des échanges sérieux, politiques, approfondis, ce sont aussi des saillies, des drôleries, des lapsus, des anecdotes, des figures de style. Hier soir à Saint-Quentin, j'en ai repérées au moins neuf :

1- Le style sonore : alors que Carole Berlemont fait une intervention, Jean-Pierre Lançon croit détecter une petite ruse de Xavier Bertrand, un méchant bruit parasite, une enveloppe ouverte par le maire devant son micro, au bruitage malséant. Le premier magistrat s'en défend, justifiant d'un courrier pour le conseil municipal. On ne saura jamais la vérité.

2- Le style décalé : Nora Ahmed-Ali demande à Christian Huguet ce qu'il pense des OGM. Il lui répond en énumérant ses nombreux voyages à travers la planète. Commentaire de Xavier Bertrand : attention au bilan carbone !

3- Le style lapidaire : à une question d'Olivier Tournay sur les visites du patrimoine confiées à une association, Alexis Grandin explique que c'est une "régularisation". A une question du même sur la nécessité d'une salle de musique amplifiée, Stéphane Lepoudère répond qu'il y a "mise à disposition". Là où il y a un problème, il n'y a pas de problème.

4- Le style daté : Xavier Bertrand compare Michel Aurigny, à cause de ses démonstrations savamment chiffrées, à Gérard Majax, un magicien populaire à la télévision dans les années 80. Il aurait pu songer à David Copperfield, mais on a échappé à José Garcimore !

5- Le style codé : Carole Berlemont termine son unique intervention par le mot de "torpeur", en forçant sur la prononciation, ce qui ne colle pas vraiment avec le propos et la situation. Mais si ! à condition de décrypter : il s'agit d'une référence à juste titre traumatisante au Courrier Picard d'il y a quelques mois, traitant de "torpeur" l'opposition municipale, à la suite d'un entretien avec Jean-Pierre Lançon. Hier c'était une façon de démentir, par un private joke ou une revanche de l'inconscient.

Autre intervention codée, Michel Aurigny s'élevant violemment contre l'opération "La propreté c'est l'affaire de tous" (des enfants de l'école primaire ramassent des déchets dans des lieux publics), qu'on ne comprend pas si on n'a pas les clés : Aurigny est aussi syndicaliste enseignant à Force ouvrière, dont la philosophie de l'école consiste à se concentrer sur les fondamentaux et à dénoncer toutes les activités extra-scolaires, du type "La propreté c'est l'affaire de tous", assimilées à une perte de temps et à un dévoiement de l'Education nationale (qu'on voudrait à FO instruction publique). Autant vous dire que tous les syndicats enseignants, en premier lieu le Se-Unsa, ne sont pas sur cette ligne-là ! (private joke à mon tour)

6- Le style poétique : Xavier Bertrand aime désormais à constituer des "binômes", pour ne pas dire des couples. Hier c'était Lançon-Dhirson ; la dernière fois, Aurigny-Bry. Vous avez remarqué ? La rime est respectée. Quel poète !

7- Le style cultivé : Jean-Pierre Lançon illustre l'une de ses interventions par un "Anne ma soeur Anne", qu'on utilise généralement pour désigner une attente qui n'est pas comblée. Mais qui sait que la citation provient d'une chanson de Louis Chedid, qui a remporté un beau succès à l'époque où Gérard Majax faisait fureur à la télévision ? Xavier Bertrand, qui a le sens de la répartie, a rétorqué que c'est sans doute à Anne ... Ferreira qu'il pensait. Qui a dit qu'on ne rigolait pas en politique ?

8- Le style pédagogue : pour démontrer que l'opération "La propreté c'est l'affaire de tous" est une bonne chose, Karim Saïdi évoque la joie des enfants à se retrouver dans le camion de la voirie. Pour démontrer le contraire, Jean-Pierre Lançon rappelle que lorsque des enfants cassent un verre, les parents leur demandent de ne pas y toucher. Bon sens contre bon sens, qui a gagné ?

9- Le style tacticien : pour justifier certains silences des élus d'opposition en commission des finances, leur chef de file avance une raison tactique, ne pas donner du grain à moudre à la majorité, attendre la réunion du conseil municipal pour s'exprimer. Il fallait y penser ! Du coup, je me demande si Xavier Bertrand, en voulant développer en séance les débats, n'a pas lui aussi une arrière-pensée tactique : faire parler son opposition, la questionner comme il le fait souvent, chercher les contradictions, tenter de la piéger.

Quand j'étais enfant, j'allais beaucoup à la pêche : il fallait appâter, taquiner le goujon, à la dandinette, laisser avaler l'amorce, prendre son temps et ferrer au bon moment. En politique comme au bord d'une rivière, il faut toujours se méfier de ceux qui vous tendent la perche. Mais peut-être que je me fais des idées, que j'exagère, que j'ai mauvais esprit. Que voulez-vous ! j'ai repéré neuf figures de style au conseil municipal de Saint-Quentin : la dixième c'est la mienne !

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