jeudi 17 novembre 2011

Débat sur le débat.

Le dernier conseil municipal à Saint-Quentin a décidé de laisser plus de place au débat : le maire l'a voulu, l'opposition en rêvait. A première vue, il n'y a rien à redire : le débat n'est-il pas l'essence de la démocratie ? Pourtant, je n'y crois pas, je pense que c'est un leurre, une illusion, même si l'intention, de part et d'autre, est bonne. Depuis treize ans que j'assiste régulièrement aux conseils municipaux, je n'ai jamais vu, quels qu'en soient les protagonistes, de véritables débats.

C'est d'ailleurs tout à fait normal, ça n'a rien de choquant : un conseil municipal n'est pas un lieu de débat. D'abord, dans un débat, les parties en présence sont à égalité. Ce n'est pas le cas dans une municipalité : la majorité a tout le pouvoir, l'opposition n'a aucun pouvoir. Celle-ci a beau parler, celle-là n'en fera qu'à sa tête. Les décisions sont prises et immuables, le "débat" ne change rien, est inutile.

Ensuite, un débat est une confrontation de convictions, qui réclame sincérité et bonne foi chez les débatteurs. Qui a assisté à une séance d'un conseil municipal constate d'évidence que ce n'est pas le cas : défense acharné d'un bilan d'un côté, critique systématique de l'autre, positionnements tactiques, malentendus feints ou involontaires, polémiques spontanées ou artificielles, c'est le lot commun des séances, qui ne méritent donc pas le nom de "débats". En revanche, les faux débats y sont monnaie courante.

Un conseil municipal n'est pas l'assemblée nationale : les parlementaires sont détenteurs de la souveraineté populaire, l'expression du suffrage universel. C'est pourquoi, au niveau national, entre députés de gauche et de droite, le débat est concevable. Mais un élu local, issu d'une liste, n'est pas dans cette situation-là. L'analogie n'est pas pertinente, le débat est impossible ou tronqué. C'est pourquoi les échanges sont répétitifs et finalement ennuyeux pour celui qui, ce n'est pas mon cas, ne s'y passionne pas.

Mon point de vue exprimé ici pourrait laisser croire que les séances publiques du conseil municipal sont à mes yeux sans intérêt et qu'on pourrait aussi bien les supprimer ! Pas du tout. Au contraire, elles sont un élément important de la démocratie municipale, à condition de ne pas se tromper sur leur compte, de ne pas les prendre pour ce qu'elles ne sont pas, des débats. Pour moi, l'utilité d'un conseil municipal est d'offrir régulièrement une tribune à l'opposition (je me situe de ce côté-là puisqu'à Saint-Quentin c'est ma place), où elle peut exposer ses analyses et ses propositions, reprises dans la presse du lendemain. Ni plus ni moins. Le reste c'est pipeau.

C'est pourquoi il est vain de questionner ou contester Xavier Bertrand en croyant pouvoir le faire trébucher ou le confronter à ses contradictions : il restera toujours droit dans ses bottes, agrippé à son pupitre de président de séance. Vouloir débattre avec le maire, c'est se transformer en faire valoir de sa politique. En revanche, se saisir du conseil municipal pour exposer point par point, sur les grands dossiers, une alternative politique, voilà une stratégie payante et gagnante.

Le fond de ma pensée, c'est qu'on ne s'oppose bien qu'en proposant. Et les occasions ne manquent pas ! Par exemple, l'opposition a violemment critiqué la journée de la propreté (voir mes précédents billets sur le sujet). Pourquoi alors ne pas demander sa suppression pure et simple et son remplacement par une action d'un autre type, pédagogiquement plus probante ? Ce n'est pas si difficile ... Exemple aussi, le marché de Noël, dont certains accessoires (les sapins enneigés) ont des coûts très élevés : il ne suffit pas de le faire remarquer, il faut proposer des mesures d'économie, expliquer ce qu'on envisage de moins onéreux à la place.

Dernier exemple : la plage d'été du centre ville, symbole de l'ascension politique de Xavier Bertrand. Pourquoi ne pas songer à sa remise en question ? Pas pour laisser un grand vide, auquel cas personne ne suivra la gauche ; mais en présentant un nouveau projet. A gauche, normalement, l'imagination est au pouvoir, idées et projets fusent. A Saint-Quentin, il faut aussi en arriver là. Xavier Bertrand, lundi soir, avait raison sur un point au moins : en politique, on ne gagne que sur les idées qu'on met en place ou qu'on propose à l'attention des électeurs.

Aucun commentaire: