mardi 29 novembre 2011
Comme un enfant.
Depuis cinq ou six ans, je me rends environ une fois par mois au centre social de Guise, pour animer un café philo comme les autres et pourtant pas tout à fait comme les autres : je me retrouve parmi les stagiaires de l'atelier d'insertion, des hommes et des femmes qui n'ont pas d'emploi et qui ont de grosses difficultés pour en trouver.
Qu'est-ce que je fais là ? Ils veulent du boulot pas de la philo, un peu d'argent et pas de blabla. Je sais, mais je crois aussi que je leur apporte quelque chose (et qu'ils m'apportent quelque chose, sinon je ne viendrais pas) : sortir de leurs préoccupations ordinaires, montrer qu'on a beau être exclus ou en marge ça n'empêche pas de penser, d'avoir des idées. C'est une façon de retrouver l'estime de soi. Prendre la parole, réfléchir ensemble c'est aussi se former, s'outiller pour la vie. Ça ne donne hélas pas un emploi mais ça peut indirectement y aider. Et puis, qu'est-ce que j'ai d'autres à leur proposer ?
Ce matin, nous avons débattu d'un très beau sujet : L'homme doit-il oublier qu'il a été enfant ? Je veux vous livrer l'état de nos réflexions. A chacun d'entre nous, que reste-t-il de notre enfance ? Des photos dans un tiroir, qu'on regarde de temps en temps, qui ne servent plus à grand-chose mais que pour rien au monde nous ne voudrions jeter. Pourquoi ne les met-on pas sur le buffet ou la cheminée, à côté des autres photos, celles d'aujourd'hui ? Parce que le passé fait un peu peur, rend nostalgique, produit la mélancolie du temps qui file et qu'on ne reverra plus.
Au grenier, ce sont d'autres survivants de l'enfance qui se cachent : les jouets, peluche, poupée, kiki ou bien les cahiers d'école. Et dans notre tête, jusqu'où notre mémoire remonte-t-elle quand elle explore l'enfance ? Des premières années, il surgit quelques flashes et images : moi c'est ma voiture verte à pédales et mon petit vélo rouge à roulettes. Nous étions aussi des enfants de la télé, pas seulement de nos parents. Et nous regardons encore avec plaisir les émissions et séries qui enchantaient notre enfance.
Malgré tout, aimerions-nous oublier certains éléments de notre enfance ? Oh oui ! L'une dira que c'est le martinet, l'autre les médicaments à ingurgiter. D'ailleurs, étions-nous heureux enfants ? Sans doute, puisque nous étions pour la plupart aimés et insouciants. Mais nous ne voudrions pas non plus régresser, retomber en enfance car le présent a du bon, l'âge adulte est appréciable.
L'enfant que nous avons été est-il complètement mort en nous ? Oh non ! Certains continuent à rire, à jouer ... avec leurs enfants, comme s'ils étaient des enfants. Et moi ? Il m'arrive parfois, dans des rues pas très fréquentées de Saint-Quentin, quand il fait nuit et que personne ne me voit, de faire ce que seuls font les enfants : mettre un pas devant l'autre en sautillant. Les adultes sont devenus trop lourds pour ça et j'ai un peu de peine, je m'essouffle vite. Mais pendant quelques secondes de ces sauts de moineau, je redeviens dans mon corps et dans ma tête un enfant.
En vignette : ce matin, à Guise, avec les stagiaires de l'atelier d'insertion.
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