dimanche 13 janvier 2013

Une manif pédagogique



A l'heure où je rédige ce billet, je ne sais pas encore combien de Français ont manifesté cet après-midi contre le mariage pour tous, mais ils étaient très nombreux, c'est certain, et je n'aurai pas la mesquinerie de relativiser les chiffres de participation. D'ailleurs, moi qui suis favorable au mariage pour tous, je me réjouis chaque fois qu'une manif réussit, même si je n'en partage pas les objectifs : vive la démocratie ! Je crois que celle-ci aura un effet salutaire, pédagogique sur ses membres, beaucoup ( pas tous, loin de là) étant de droite, n'ayant jamais manifesté de leur vie (sauf peut-être, pour certains, en 1984, en faveur de l'école privée), étant très réticent à l'acte de manifestation.

D'abord, cette pédagogie est citoyenne, civique. Elle aura appris à cette foule qui n'a pas l'habitude de battre le pavé, qui s'en défie, qui moque parfois ceux qui s'emparent ainsi de la rue, que rien n'est plus naturel et républicain que de manifester de cette façon ses opinions. Que serait une démocratie sans manifestations ? Une dictature ! Ceux donc qui ont défilé aujourd'hui comprendront désormais mieux les défilés politiques et syndicaux, cesseront peut-être de pester contre eux. Allez même savoir s'ils n'y prendront pas goût, s'ils ne s'y mettront pas régulièrement plus qu'à leur tour, surtout si un gouvernement de gauche, longtemps au pouvoir je l'espère, leur en donne, comme je leur souhaite, l'occasion.

Ensuite, la pédagogie d'une manifestation telle que celle d'aujourd'hui est politique. Elle fait comprendre à un individu par définition solitaire qu'il n'est pas seul, que d'autres partagent ses convictions, qu'ils peuvent se retrouver, faire peuple pour se battre ensemble, même quand ce sont des familles bourgeoises. La vertu de cette pédagogie, c'est de faire prendre conscience que l'autre au côté de qui on défile, tout en soutenant les mêmes revendications, peut aussi être très différent. Ainsi, cet après-midi, cathos, UMP et extrême droite, qui n'ont rien à voir, se sont côtoyés, comme le social-démocrate que je suis frôle les trotskistes dont je ne suis pas, quand il s'agit de défendre des revendications syndicales ou même dans un combat politique. La manif éduque à la relativité, à la tolérance et au risque dans le choix de ses partenaires de lutte (en ce qui me concerne, je ne rougis pas, sans jeu de mots, de fraterniser provisoirement avec l'extrême gauche).

Et puis, la manif est un exercice psychologique, auquel la droite en particulier a du mal à se plier, mais certains citoyens de gauche sont tout autant embarrassés : se montrer sur la voie publique, dévoiler ses convictions personnelles, ne pas craindre le qu'en dira-t-on, ignorer les conséquences qui pourraient en découler, avoir le courage de ses opinions, non, manifester n'est pas un geste naturel, un acte évident, un comportement anodin, une décision facile. Pour des raisons historiques et sociologiques, c'est parfois, pour quelqu'un de droite, une véritable ascèse, à laquelle la grande mobilisation de ce dimanche l'aura accoutumé, sinon encouragé. Il aura brisé la glace, grand bien lui en fasse, au nom de la démocratie.

Il ne faut pas non plus négliger la pédagogique pratique qu'occasionne une manif, en matière d'organisation et d'habileté manuelle, sans parler de l'épreuve physique du parcours. Se lever tôt le matin, faire un trajet de plusieurs heures en car, il en faut, de la motivation et de la préparation : les vêtements parés pour la pluie et le froid, les sandwiches qui tiennent à l'estomac, les banderoles savamment pliées, les pancartes maison, les slogans astucieux qu'on invente soi-même, la manif, c'est l'école de l'ingéniosité et de la débrouillardise, c'est une mine de créativité. La droite s'y met, tant mieux, même si elle a quelques décennies de retard sur la gauche !

Surtout, une manif est une formidable pédagogie de la déception, qui est en politique comme dans la vie une rude épreuve à surmonter. Combien de fois ai-je manifesté sans rien obtenir des revendications que je brandissais et hurlais ? Je n'ose pas vous le dire, je n'ai jamais compté, il vaut mieux pas ! Les manifestants d'aujourd'hui vont faire à leur tour cette expérience-là : ils auront beau avoir été des centaines de milliers que ça ne changera rien, François Hollande tiendra ses engagements, la loi passera. Manifester, c'est toujours une épreuve d'humilité (les catholiques devraient y être préparés mieux que d'autres), quand la force ne parvient pas à infléchir le droit. Il faut alors avoir un moral d'acier pour persévérer.

Enfin, toute manif, quelle qu'en soit la cause, offre un bel exemple de pédagogie morale. Le nombre ne compte pour rien au regard de la vérité, qui ressort uniquement de la conscience personnelle, pas de la quantité de pieds qui foulent le bitume. La justesse d'une conviction ne se mesure pas à la longueur des défilés. A Saint-Quentin, à Paris ou ailleurs, un rapport de force est nul et non avenue. C'est l'intelligence, le bien, la justice qui ont raison, qui font l'Histoire, qui décident du destin des hommes, ce ne sont pas des additions d'unités, de têtes de pipe. Les grandes révolutions ont été faites par le petit nombre, inspirées souvent par quelques obscurs penseurs. C'est l'esprit qui l'emporte, rarement la masse. Voilà la morale de ce dimanche, qui est valable pour n'importe quelle autre manif. Comme il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, il n'est pas nécessaire de gagner pour manifester.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ce n est pas une manif pédagogique c'est une manif homophobe qui se cache derriere la question de l'adoption faute de pouvoir par la loi crier leur dégout des gays, qu'ils considerent comme des malades, des pervers.des sous humains.
c est comme les manifs du front national le 1er mai, peut etre que vous ca vous réjoui de voir des manifs, mais moi il y en a qui me font honte, qui font honte à la republique et dont j'espere bien que les participants soient toujours moins nombreux