dimanche 27 janvier 2013

Deus, film expérimental



Maxence Tasserit est un jeune Saint-Quentinois de 22 ans qui vient de réaliser son premier film, Deus, un moyen métrage de 30 minutes, qu'il a présenté vendredi soir au CinéQuai 02, devant une salle de 130 personnes, beaucoup de jeunes, d'amis et de proches, en présence de Stéphane Lepoudère, adjoint à la culture, et Bernard Visse, directeur du service culturel. Maxence a été mon élève au lycée Henri-Martin, il y a quelques années.

En guise de présentation, le jeune réalisateur a tenu à souligner les difficultés qu'il avait rencontrées, deux ans de travail, les problèmes de financement, les divers incidents qui l'ont conduit à s'occuper de tout pour parvenir à ses fins. Mais il a reçu aussi, tout au long, beaucoup de soutiens, dont de nombreux parmi le public présent, venus l'encourager. Et puis, avant la projection, Maxence a insisté à plusieurs reprises, presque pour s'en excuser d'avance, qu'on ne comprenait forcément pas tout dans son film, mais que c'était normal puisque c'était du cinéma "expérimental".

Le film, justement : un personnage aux allures de Christ circule au gré d'un trajet mystérieux tracé sur une carte routière, fait plusieurs rencontres, est attendu par un petit groupe de jeunes dans un endroit un peu glauque, une bâtisse abandonnée. Je n'en dirais pas plus : un film expérimental s'expérimente, il est fait pour ça, pas pour être raconté. Il faut voir, se laisser prendre, inspirer : les impressions et les réflexions viennent toutes seules ... ou pas, si vous n'aimez pas.

Pourquoi va-t-on au cinéma ? Pour se divertir, pour qu'on vous raconte des histoires. Deus, ce n'est pas ça, il n'y a pas à proprement parler un récit, une intrigue, des personnages psychologiquement définis, mais quelque chose qui est au coeur du cinéma : des images, dont la composition, le rythme, le montage forment une esthétique, qui plaît ou non, qui branche ou pas. Robert Bresson fustigeait le cinéma classique, qui n'était selon lui que du théâtre filmé. En ce sens-là, Maxence Tasserit est un élève de Bresson, il garde et cultive du cinéma l'essentiel, le visuel. Il le fait à travers un style qui se cherche, fait souvent de gros plans et de fonds volontairement flous.

Si je veux poursuivre dans les références, les rapprochements (qui viennent de moi, que Maxence n'a peut-être pas à l'esprit), je citerais Luis Bunuel, surtout ses premiers films surréalistes, et Andreï Tarkovski, pour la dimension fantastique. Je pense à ces deux réalisateurs parce que, pour eux aussi, on pourrait dire qu'on ne comprend pas tout dans leurs films ! Et puis, il y a, chez les deux et chez Maxence Tasserit, une préoccupation spirituelle dans leur oeuvre : Deus, comment ne pas méditer sur ce titre, constater la figure christique du personnage principal, la scène d'église et autres allusions ...

Je ne sais pas du tout ce que Maxence a voulu faire, je ne connais pas les idées qu'il a en tête, et je ne cherche pas à le savoir : un film est fait pour le spectateur, pas pour son auteur ! C'est lui, le spectateur, qui, en quelque sorte, fait le film, pas son réalisateur : celui-ci propose des images, celui-là dispose de leur sens ! Je ne suis même pas dans l'interprétation, la compréhension ou le décryptage : l'art ne supporte pas l'explication de texte. Simplement, je regarde, je sens et j'en parle, je fais partager mes sentiments, là, en ce moment, sur ce blog. Deus n'est pas un film à message : expérimental, il faut prendre le qualificatif au sens propre, presque scientifique, une expérience filmique, par un jeune réalisateur à suivre, dont on attend les prochaines créations.

Vendredi soir, à l'issue de la projection, autour du buffet dans le hall du cinéma (voir vignette), Maxence était très entouré, félicité, encouragé, et c'est bien normal. Mais les congratulations publiques, ce n'est pas trop mon genre. J'ai dit, en quittant Maxence, que je lui livrerai mon avis et le fond de ma pensée dans un billet. Voilà, c'est fait.

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