lundi 7 janvier 2013

Pascal Cordier, number one



Je ne le connais pas, mais j'en entends parler (jusque dans l'avion me ramenant de Djibouti, où le pilote avait été invité par lui à son meeting aérien). Nous n'avons discuté qu'une seule fois, pas très longtemps. Les lecteurs du Courrier Picard en ont fait à Saint-Quentin l'homme de l'année. C'est une raison suffisante pour lui consacrer ce billet.

Pascal Cordier est ce qu'on appelle une "personnalité locale", catégorie qui ne veut pas dire grand chose, mais qui a quand même un sens : c'est quelqu'un qui fait causer, en bien ou en mal, dans les conversations publiques ou privées, et dont on voit la photo dans le journal, quelqu'un qui ne laisse pas indifférent. C'est la définition de base. Mais qui est Pascal Cordier, et que fait-il ?

Professionnellement, il est présenté souvent comme "homme d'affaires", une catégorie aussi vague que celle de "personnalité locale". Mais l'étiquette est toujours impressionnante, justement parce qu'elle a une part de mystère. Car les "affaires" veulent tout dire et rien dire. La seule certitude, c'est le rapport à l'argent, puisque les "affaires" sont faites pour en gagner. Et l'argent, c'est le pouvoir.

Pascal Cordier est donc perçu comme quelqu'un qui a "des moyens", sans qu'on sache très bien lesquels. Mais c'est le lot de tous les personnages publics qu'on dit "connus", qu'on croit connaître : en réalité, on sait très peu sur eux, il ne reste que la façade officielle. Le rapport à l'argent suffit à faire de vous quelqu'un d'un peu sulfureux. Je n'ai jamais compris qu'on puisse affirmer que l'argent n'a pas d'odeur : il en a une, le soufre, comme autrefois le démon. Mais je n'en conclus pas que Pascal Cordier soit apparenté avec le diable ...

Pour être connu, il faut se faire connaître. Et pour se faire connaître, il faut rencontrer des gens, des tas de gens, très différents. On cesse alors d'être un anonyme, on vous "reconnaît", dans la rue, dans les manifestations. Pascal Cordier en est arrivé là, avec un épais carnet d'adresses (sûrement électronique aujourd'hui). Bref, il a beaucoup d' "amis", ce qui fait de lui un homme "influent".

L'influence, voilà encore un concept indéterminé et lui aussi un peu mystérieux, qui fait parfois fantasmer. Car de l'amitié à la protection, il n'y a qu'un pas, qu'on franchit souvent trop rapidement. La plupart des gens vivent en cercle relativement restreint : famille, voisinage, amis, collègues. Cordier fait partie de ceux, très peu, qui élargissent considérablement le cercle de leurs connaissances, jusqu'à des horizons insoupçonnés. C'est une situation qui étonne parce qu'on n'y est pas habitué.

Et puis, un personnage est doué d'un physique, et Pascal Cordier cultive le sien avec soin. Il se tient droit, porte beau, on a l'impression qu'il sort de chez le coiffeur et de chez son tailleur, toujours bien sapé, la mèche de cheveux très maîtrisée. C'est incontestablement un séducteur, ce que les dames appellent "un bel homme". Et pas bête avec ça : il parle bien, cherche à convaincre l'interlocuteur, ne manque pas d'arguments, ne s'en laisse pas conter, s'exprime avec assurance. Pour bien montrer qu'il a "réussi", Pascal Cordier rappelle fréquemment d'où il vient, meilleure façon d'apprécier où il est arrivé : lui, c'est la chaîne de montage de l'usine MBK. D'ouvrier à homme d'affaires, beau parcours, une vraie succes story!

On lui prête beaucoup d'ennemis, et la rumeur publique est en la matière très généreuse. Mais une notoriété se construit pour moitié sur les amis qui vous apprécient et parlent de vous et pour moitié sur vos ennemis qui assurent efficacement votre promotion en ne cessant de vous critiquer. A choisir, les seconds sont paradoxalement plus précieux que les premiers, puisqu'une notoriété résulte beaucoup plus des méchancetés que des gentillesses qu'on vous adresse. De ce point de vue, Pascal Cordier est plus redevable à ses adversaires qu'à ses amis.

Ce qu'on ne lui pardonne surtout pas, c'est de faire des choses, d'organiser sur la ville de méga-évènements. Mettez-vous à la place de ceux qui ne font rien de plus que leur vie de famille, travail et loisirs (en quoi ils ont bien raison car c'est déjà beaucoup), et qui représentent la très grande majorité de la population : c'est agaçant de voir quelqu'un qui se démène plus que ne l'exige une existence normale. L'admiration qu'on se sent obligé de lui porter vous écrase et met en relief vos propres faiblesses.

Pascal Cordier, parti comme il est parti, pourrait-il se retrouver en politique ? Certains lui prédisent de ce côté-là un bel avenir, et une place dans la prochaine équipe municipale. Je ne le crois pas, je ne le vois pas devenir adjoint au maire : il n'a pas la docilité qui convient à la fonction. Est-il de droite ou de gauche ? Je n'en sais rien, je pense que c'est avant tout un gagnant qui est du côté des gagneurs, ce qui est, à Saint-Quentin, une façon de répondre à la question.

Beaucoup de choses me séparent de Pascal Cordier, et quelques-unes me rapprochent de lui, suffisamment pour que j'ai envie d'en savoir plus. Et si on prenait un verre ensemble à l'occasion de la nouvelle année ? Je lui laisserai bien sûr régler l'addition ...

3 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Ce qui est frappant à la lecture de ton blog et de ton livre, c’est à quel point tu sembles aimer les gens. La puissance de ton engagement militant et de ton implication dans ta carrière te vient sans doute de cette simplicité, de ce contact franc et sécure avec les gens, bref de cet amour et curiosité pour les autres. C’est ce qui explique la force de ton désir de réussir. Pourtant quand nous faisions nos études de philosophie je ne conserve pas le souvenir d’une telle affection pour les autres étudiants. Mais je crois avoir compris le problème. A la fac nous étions entourés principalement de jeunes bourgeois et petit-bourgeois, tu ne te sentais pas à l’aise. J’ai cru comprendre que tu as été élevé par ta mère, elle-même issue d’un milieu très populaire voire défavorisé. Mais comme dirait Cyrulnik, je pense qu’elle t’a apporté un attachement sécure, et naturellement dans un milieu populaire on est plus solidaire on se serre les coudes, ce qui explique peut-être ton amour naturel ou au moins ta simplicité au contact des gens, et la force de ton engagement même si il est illusoire (illusion qui est propre à tout engagement, que nous croyons sincère, basé sur des principes, alors qu’il ne dépend que de la force de notre désir). Nous autres bourgeois et petit-bourgeois nous avons été élevés dans l’amour-propre, dans la comparaison et la jalousie envers les autres bourgeois et petit-bourgeois, les gens du peuple sont méprisés, nous ne nous comparons pas à eux, ils n’existent pas, peut-être était-ce un peu ce que tu ressentais à la fac. Pour ma part je suis issu d’un milieu petit-bourgeois, mais mon père est un pervers (narcissique) et ma mère ne m’a apporté aucun attachement sécure à cause d’un vide affectif d’une indifférence et d’un égoïsme qui lui est consubstantiel. Pour le dire vite et bien, ma mère ne m’a jamais aimé et ne m’aimera jamais. D’ailleurs elle ne sait pas aimer, elle ne sait qu’admirer et envier beaucoup les gens brillants qui appartiennent généralement à une bourgeoisie cultivée qui la fascine. Pour ma part je suis médiocre, comment pourrais-je intéresser ma mère ? Elle-même est issue d’un milieu très populaire et rural et joue les bourgeoises cool et bobo, origines qu’elle cherche à tout prix à camoufler, je suis ce qui la trahi, voilà pourquoi elle a toujours cherché à me cacher aux yeux de ses amis car elle avait honte de moi, je lui rappelais ses propres origines. Je souffre donc d’un attachement insécure, qui m’empêche de me développer dans quelque domaine que ce soit, qui me fait être dépressif et anxieux. En plus je suis le dernier des petit-bourgeois, car ma mère m’a toujours dévalorisé en me comparant à mes petits camarades qui étaient toujours mieux que moi, normal, c’était les enfants de vrais bourgeois, eux !
Quant à toi, je t’ai vu sur une photo avec Comte-Sponville. Félicitations, tu sembles bien épanoui, peut-être plus que lui, il faut dire que tu es un homme du peuple, simple, alors que lui aussi a dû souffrir de la solitude de l’amour-propre et de la comparaison que ressens tout bourgeois ou petit-bourgeois ; même si il était le premier, cela n’empêche pas la solitude.

Emmanuel Mousset a dit…

Tu fais trop dans la psychologie. N'oublie pas que ce n'est pas une vraie science !

Mr Caron david a dit…

superbe article , bonne année à vous , bonne santé pour 2013

ma bio reste à votre dispo

bien à vous