mardi 8 janvier 2013

Cahuzac explose Mélenchon



C'est un peu par hasard que je suis tombé hier soir sur le débat Jérôme Cahuzac-Jean-Luc Mélenchon, sur France 2. J'ai suivi jusqu'au bout, c'était passionnant. A ma connaissance, c'est la première fois qu'un haut responsable socialiste, membre du gouvernement, s'en prend aussi violemment au leader du Front de gauche (traité de "clown", de "se foutre du monde"). Ce n'est pas pour me déplaire : Mélenchon, qui a décidé de parier sur la défaite des socialistes, n'a que ce qu'il mérite. Enfin un social-démocrate décomplexé, qui ose attaquer la gauche radicale ! Jusqu'à présent, le PS essayait d'arrondir les angles, de s'accommoder d'une gauche critique, se disant que de toute façon la discipline républicaine la rangerait de son côté au moment des élections. Non, ce n'est pas ainsi qu'il faut raisonner : en politique, on ne peut pas à la fois être pour et contre, il faut choisir, les propos tenus, surtout lorsqu'ils sont critiques, engagent devant l'électorat.

Jean-Luc Mélenchon s'en sort bien dans les débats quand il a en face un homme de droite ou un socialiste timoré, qu'il peut alors écraser par son lyrisme et son audace : les grandes gueules sont comme ça, très sûres d'elles dans la caricature et l'outrance. Mais quand elles doivent affronter un homme compétent qui ne s'en laisse pas compter par des grands discours et des gesticulations, il n'y a plus personne, les masques tombent. Hier soir, Mélenchon a donné de lui-même l'image la plus grotesque, sa rhétorique tournant à vide, ses effets de manche et ses regards furibards faisant un flop. Je crois qu'il a eu conscience du désastre qu'il produisait, son visage exprimant régulièrement le désarroi devant un redoutable débatteur que visiblement il n'attendait pas et qui l'a écrasé de sa supériorité intellectuelle. Cahuzac, en revanche, offrait une apparence de calme, presque de détachement, avec un petit sourire qui en disait long sur le jugement qu'il portait sur son contradicteur.

Sur la fiscalité et la CSG, Mélenchon a été complètement à la ramasse, allant jusqu'à avouer que sans ses fiches il ne maîtrisait pas le sujet (!). Cahuzac, lui, étalait tranquillement ses mains sur la table, sans aucun papier pour le guider, rendant coup pour coup, attaquant plus qu'à son tour : un vrai régal ! Sur l'endettement de la France, l'absurdité de Mélenchon a atteint son comble : la dette, on la remboursera quand on pourra, a-t-il lancé, avec cette assurance bouffonne qui généralement impressionne. Mais pas là : Cahuzac a expliqué qu'une telle politique entraînerait immédiatement l'arrêt des prêts accordés à notre pays, qui très vite ne pourrait plus payer ses fonctionnaires et financer ses investissements. Mélenchon à la tête d'un gouvernement, ce serait la faillite assurée, la Grèce avant l'heure.

A la fin du débat, Méluche à la peine a tenté une dernière grosse feinte : il nous a fait le coup de la "lutte des classes", qui fait toujours vibrer à gauche, surtout quand on n'a rien dans la tête. Cahuzac a porté le coup de grâce : la lutte des classes, c'était Sarkozy, lorsqu'il opposait les Français les uns et autres, catégories contre catégories. Hollande, c'est tout le contraire, c'est la réconciliation, c'est le compromis, en bon social-démocrate qu'il est. Le rapport de forces, je l'ai souvent remarqué et écrit sur ce blog, c'est la chansonnette des petits bras. En réalité, tout rapport de forces ne profite qu'aux plus forts, et dans l'ordre social aux patrons, à la bourgeoisie, au pouvoir, sûrement pas à la rue et aux classes populaires (sauf contexte historique particulier, 1936 ou 1968, mais ça n'arrive que deux ou trois fois par siècle, il ne faut pas trop compter là-dessus).

Je l'avoue, j'ai été impressionné par Jérôme Cahuzac, son sang-froid, sa cohérence, sa fermeté, sa maîtrise des dossiers (ce type est chirurgien de métier mais domine parfaitement les questions économiques). Hier soir, j'avais le sentiment d'avoir devant moi, sur l'écran, un possible futur Premier ministre. Il est de la trempe des Mendès, Rocard, DSK. En tout cas, voilà un digne représentant des socialistes et de leur politique.

A la décharge de Mélenchon, que j'aime bien malgré tout parce qu'il a le courage de venir débattre pour défendre ses idées, je dirais que son projet ne pourrait retrouver toute son intelligence que dans une société totalement différente de la nôtre, où la France aurait rompu avec le reste du monde. Ce projet, c'est celui qu'a porté et revendiqué le courant révolutionnaire et communiste tout au long du siècle précédent. Je ne méconnais pas sa grandeur ; peut-être même qu'une petite moitié de l'humanité a eu raison de vouloir l'expérimenter. Mais comment ne pas constater aujourd'hui que l'échec a été patent, que le beau rêve s'est terminé en tragédie ? On peut, si on veut, continuer à rêver avec Mélenchon ; mais c'est avec Cahuzac qu'il faut gouverner.

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