samedi 12 janvier 2013

La culture du compromis



En politique, il y aura toujours deux cultures, à droite comme à gauche : celle du rapport de force et celle du compromis. Pour la première, les rapports entre les individus et les groupes se traduisent par des conflits dans lesquels le plus fort l'emporte. Alors, il y a nécessairement un gagnant et un perdant, un vainqueur et un vaincu. Cette culture a le mérite de la simplicité ; elle ne connaît pas la demi-mesure. D'ailleurs, les vaincus ne sont pas forcément déçus, quand ils se complaisent dans l'opposition, ne recherchent pas spécialement à assumer des responsabilités, vivent très bien dans une attitude purement protestataire et victimaire.

La culture du compromis fonctionne, tout différemment, au gagnant-gagnant. Elle part du principe que les protagonistes ont chacun leurs bonnes raisons, leurs intérêts légitimes, qu'il n'y a pas le bien d'un côté et le mal de l'autre, la vérité et l'erreur. Elle parie sur un dialogue raisonnable qui rapproche les positions sans gommer les différences, elle croit en un accord possible dans lequel chacun doit renoncer à une partie de ses revendications afin de voir retenue une autre partie de ses revendications.

L'accord entre le patronat et trois syndicats sur la flexibilité et la sécurisation de l'emploi est un beau succès de cette culture du compromis, que le gouvernement réformiste et social-démocrate de François Hollande tente de mettre en oeuvre. Les partisans du rapport de force s'insurgeront et diront que les salariés y ont perdu. Oui, on perd toujours quelque chose quand on négocie, sinon il n'y aurait pas de négociation. Mais on y gagne aussi quelque chose. Le gain compense-t-il la perte ? Je ne crois pas que la question se pose en ces termes, parce que la réponse est impossible. Ce qu'il faut prendre en compte, c'est qu'il y a des gains et des pertes, en se demandant seulement si les uns et les autres sont justifiés. Mais leur équilibre est indécidable.

En ce qui concerne l'accord signé hier, la réponse est oui. Il faut mieux protéger les salariés, en décourageant l'emploi précaire, en généralisant leur complémentaire santé, en permettant des droits rechargeables à l'assurance-chômage. Il faut encourager les entreprises à créer des emplois, en leur donnant plus de souplesse dans la modulation des rémunérations et du temps de travail, dans la mise en place de leur plan de restructuration, lorsqu'elles sont confrontées à des difficultés économiques.

Cet accord fera date, pourvu qu'on le prenne pour ce qu'il est, sans exagérer sa portée : il ne réglera pas complètement le problème du chômage, mais il aidera beaucoup. Il faut le mettre en perspective avec les autres mesures gouvernementales en matière économique et social. Les syndicat auraient pu ne pas le signer, tant la culture du rapport de force est grande en France. La CGT ne l'a pas fait, fidèle à son histoire, soucieuse de sa base et de la succession à sa direction. FO ne l'a pas fait, en rupture avec son passé réformiste, qu'elle a abandonné depuis 1995. La CFDT a signé, conforme à ce qu'elle est depuis longtemps, l'organisation socio-professionnelle la plus proche de la culture du compromis et de la social-démocratie.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quand on passe de la tete de la cfdt à celle de terra nova est-on vraiment crédible ?

Emmanuel Mousset a dit…

Oui, ça prouve qu'on est un social-démocrate.