dimanche 25 mars 2012

Un préjugé de classe.

Il y a eu une opinion commune qui veut que le Front national attire le vote des ouvriers comme autrefois le Parti communiste, que l'un a en quelque sorte pris la place de l'autre dans l'électorat populaire. Une note du Huffington Post corrige et contredit ce qui apparaît alors comme un préjugé. Dans son édition du 24 janvier, le démographe Hervé Le Bras rappelle que les intentions de vote FN pour la prochaine présidentielle sont de 35% chez les ouvriers, ce qui est beaucoup mais pas majoritaire. Mais l'estimation doit être affinée :

Au dernier recensement, les ouvriers constituent 24% de la population active (6,6% millions de personnes), qui représentent 13% de l'électorat. 35% des ouvriers votant FN, cela signifie en terme de suffrages 4% du total. Si l'on s'appuie sur un possible score de Marine Le Pen entre 17 et 21%, les ouvriers forment donc entre un quart et un cinquième de ses électeurs. Conclusion de Le Bras : "Qu'une proportion importante d'ouvriers vote FN ne signifie pas qu'une proportion importante des votes FN provient des ouvriers".

Le démographe souligne que nous sommes trompés par la comparaison abusive entre deux courbes, l'une descendante, celle du vote communiste, et l'autre ascendante, celle du vote frontiste. Or, le lien entre classe ouvrière et vote communiste a toujours été "faible" (c'est le mot même de Le Bras, et les résultats électoraux à Saint-Quentin en sont par exemple une illustration). Quant à la géographie électorale du FN, elle est complètement différente de celle du PCF. L'idée selon laquelle les ouvriers communistes voteraient désormais à l'extrême droite est par conséquent une légende noire.

L'opinion française est très largement influencée par les classes moyennes, qui veillent à ne pas être confondues avec les classes populaires (d'où leur peur du "déclassement", leur hantise de se retrouver au même niveau social que les ouvriers, peur largement fantasmée). Ces classes moyennes, qui sont moyennement cultivées, s'attribuent pourtant le privilège de la raison, contre une classe ouvrière qui se laisserait facilement aller à la démagogie frontiste par défaut d'instruction. Mais la vérité est bien différente du préjugé de classe qui rejette le péché d'extrême droite sur les milieux populaires : l'électorat de Marine Le Pen est majoritairement issu des classes moyennes, pas de la classe ouvrière.

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