samedi 3 mars 2012

Dites-le avec les dents.

On me reproche souvent de ne pas assez sourire. Certaines personnes bien intentionnées, promptes à me donner des conseils, croyant que j'ai un avenir politique, s'inquiètent pour moi. Il arrive que Colette Blériot me soit donnée en exemple. Je les en remercie mais sourire n'est pas dans ma nature. Quelques connaissances, vaguement psychologues comme un peu tout le monde aujourd'hui, y décèlent un tourment caché, un voile de tristesse, un mal-être. Tant de sollicitude me va droit au coeur mais non je vais bien, j'ai l'humeur plutôt gaie, même la situation de la gauche locale ne me déprime pas : je ne souris pas c'est tout, c'est musculaire ou génétique, je ne sais pas.

Pourquoi vous dire ça ? Parce qu'un bar à sourire vient d'ouvrir en ville. La boutique s'appelle aussi institut de blanchiment dentaire, qui fait plus sérieux, plus scientifique. Si je ne savais pas depuis longtemps que le ridicule ne tuait pas, je serais très étonné. Là je suis simplement amusé ; ça me ferait presque sourire. C'est quoi une société qui se préoccupe de la blancheur de ses dents ? Je vous laisse réfléchir ... En attendant, je vous en fais une lecture politique :

La mode de la dentition parfaite et exhibée est un effet parmi d'autres de l'impérialisme culturel américain. Montrer ses dents, en être fier, en faire un signe de distinction sociale nous vient des Etats-Unis. Qui surnommait-on "dents blanches" en 1965 ? Jean Lecanuet, candidat à la présidentielle, pro-américain, admirateur du très souriant Kennedy. Vous imaginez de Gaulle sourire de toutes ses dents ? Impensable ...

Attention : je distingue le sourire américain du sourire européen (Mona Lisa) et oriental (le Bouddha). Ces deux derniers sont synonymes de finesse et de sérénité, le premier est un automatisme discriminant. Regardez-les à la télé : tous prennent soin de montrer leurs dents jusqu'aux oreilles, on peut quasiment les compter, ça ressemble au clavier d'un piano où il n'y aurait que des touches blanches.

Au début des années 90, une histoire de sourire a défrayé la chronique sociale et politique : à l'arrivée de Disneyland en France, le contrat de travail de ses employés stipulait que le sourire à la clientèle faisait partie des obligations professionnelles. Au pays des commerçants qui font la tronche et des garçons de café qui vous regardent à peine, la clause passait mal. Aujourd'hui elle est acceptée : le sourire américain a gagné !

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