mardi 20 mars 2012

Le massacre des innocents.

La tuerie de Toulouse, précédée par celle de Montauban, montrent à quel point la civilisation moderne, qui s'est construite il y a quelques siècles sur des bases rationnelles en rupture avec l'obscurantisme du passé, n'a pas supprimé la folie la plus incompréhensible et la plus criminelle. Un homme en scooter qui tue froidement des militaires et des enfants, qui filme semble-t-il ses massacres, c'est un acte qui n'entre dans aucune catégorie connue d'explication. Ce qui est d'abord terrible, abominable même, c'est cette barbarie que rien ne justifie, pour l'instant totalement irrationnelle. La cruauté humaine est ancienne, éternelle mais rarement gratuite.

Tout crime est un scandale, quand un homme en tue un autre, mais le crime d'enfants est le plus grand des scandales puisqu'il frappe des innocents. Pourtant, dans l'Histoire, l'enfant a souvent été la première victime de la violence des hommes. La civilisation moderne le supporte d'autant moins qu'elle protège, plus qu'aucune autre civilisation, l'enfant.

Notre indignation horrifiée ne doit pas non plus légitimer le spectacle du malheur qui passe en boucle sur nos écrans. Nous vivons dans un monde qui privilégie l'instant, le sentiment, l'image, alimentant ainsi une incroyable impudeur et indécence. Il faudrait réhabiliter les comportements de silence, d'attente, de distance, de maîtrise de soi. Pas facile dans une société hyper-émotive, qui exige de tout savoir tout de suite, très vite.

Cette tragédie nationale doit nous conduire aussi à réfléchir sur le débat public dans notre société. Celui-ci, depuis quelques années, se veut transgressif. Dans ses mots, dans ses thèmes, il se revendique régulièrement et fièrement "sans tabou", "décomplexé". Or, toute civilisation repose sur des tabous, toute existence individuelle se construit à travers des complexes. Dans le petit cercle des gens raisonnables (ou prétendus tels), tout est possible et sans danger. Mais parmi des millions d'auditeurs et de spectateurs, qui sait l'impact que peuvent avoir certains propos sur des esprits faibles, pervers ou malades ? Il faudrait, sans bien sûr limiter la liberté des opinions, réhabiliter le principe de responsabilité.

Faut-il suspendre la campagne électorale ? Un délai de recueillement est en effet nécessaire. Mais la République ne doit pas non plus reculer et s'interrompre devant la folie individuelle. Car elle donnerait un sentiment de fragilité de mauvaise augure. Quels que soient ses motifs, l'homme au scooter veut introduire la mort et la peur dans la société. Il ne faut pas céder à la panique, il faut être collectivement plus fort que lui.

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