vendredi 30 mars 2012

Clic clac.




Je ne voyage jamais, je ne quitte pas la France. Ma frontière la plus lointaine, c'est le Berry. Voyager, surtout à l'étranger, c'est pourtant le signe d'appartenance culturelle et sociale des classes moyennes, dont je fais forcément partie. La preuve que non. Mes amis bourgeois (petits, je n'en connais pas de grands) font des séjours réguliers à l'étranger, pas nécessairement à l'autre bout du monde ni dans des conditions très coûteuses. Moi je reste sur place, heureux comme ça. J'ai quand même un passeport, ancien, que j'ai dû faire renouveler cette semaine. Car voilà : pour des raisons professionnelles, je dois me rendre dans quelques semaines en Afrique.

Cette petite procédure administrative m'a appris et confirmé plein de choses. Il y a vingt ans, la photo de mon passeport venait d'un photomaton, pris à la diable, sur fond bleu, moi souriant comme une baleine, me tenant n'importe comment. A la mairie de Saint-Quentin, on m'a conseillé, pour plus de sûreté, de passer par les services d'un photographe. Je suis allé rue du Gouvernement. De quand date ma dernière photo prise chez un professionnel ? Peut-être de ma communion solennelle ! Je pensais même que les photographes, ça n'existait plus ! Pourtant, quand j'étais gamin, je voulais être photographe, parce que j'avais reçu en cadeau un Polaroïd (avec la photo qui sort de l'appareil juste après avoir été prise).

Je croyais qu'il fallait prendre rendez-vous, que j'allais entrer dans un studio avec un décor en carton et un tabouret très haut pour s'asseoir, qu'il faudrait attendre quelques jours avant d'avoir les photos. Rien de tout ça. Je me suis pointé sans prévenir, la dame m'a demandé de m'installer sur un siège à côté du comptoir, clic clac c'était plié en quelques secondes, plus quelques autres secondes pour avoir les clichés. Je n'en revenais pas. Le passage chez le photographe est à l'image de notre société : tout va très vite là où autrefois, il n'y a pas si longtemps, l'attente était obligatoire. Nous vivons désormais dans l'immédiateté, l'urgence. Aller chez le photographe a perdu de sa solennité.

En même temps, pour la photo d'identité du passeport, les conditions sont beaucoup plus strictes. Plus question de sourire, d'avoir la tête un peu de profil, avec un joli rideau bleu plissé au fond (en vignette, le résultat). Je vais recevoir un beau passeport "biométrique", infalsifiable paraît-il. La mondialisation, le terrorisme et la peur sont passés par là. Tout est aujourd'hui contrôlé, millimétré, informatisé. On en vient à oublier qu'avant ce n'était pas du tout comme ça, plus lent, plus libre. Mieux ? Je n'en sais rien. Différent c'est sûr. C'est fou comme le simple renouvellement d'un passeport peut faire réfléchir ...

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