Cent-cinquante spectateurs pour voir hier soir, au multiplexe de Saint-Quentin, le film "Louise Wimmer", de Cyril Mennegun, dans le cadre d'un ciné philo exceptionnel consacré à la journée mondiale des femmes. J'avais pour invitées Marie-Lise Semblat, d'ASTER-International, et Sylvie Racle, du CIDFF 02. Quel film ! Une femme, cinquantenaire, qui vit dans sa voiture parce que l'administration tarde à lui attribuer un logement. Et pourtant elle a un travail, femme de ménage dans un hôtel, s'occupant des chambres et des lits qu'elle n'a pas, ironie du sort, dans sa propre vie. C'est ce qu'on appelle une "travailleuse pauvre".
Si ce n'était que ça, ce serait très "politiquement correct". Mais non, le film n'est pas misérabiliste. Quand est venu le débat, c'était amusant d'observer à quel point certains spectateurs étaient sceptiques, résistaient à ce qu'ils voyaient : ils attendaient de la tristesse, peut-être même du drame dans un film au contraire plein d'espoir. Louise Wimmer, un prénom, un nom, un caractère qui ne s'en laisse pas compter, un personnage hors-normes qui n'entre pas dans les schémas psychologiques contemporains. C'est pourquoi elle nous surprend, elle nous étonne, c'est pourquoi elle me plaît.
L'idéologie victimaire et compassionnelle, très répandue aujourd'hui, y compris jusque dans les milieux de gauche (hélas), est battue en brèche. Louise Wimmer n'est pas une victime, elle ne réclame pas notre compassion. Elle ne demande qu'une chose, qui est un droit, qui suffirait à son bonheur : avoir un logement. Le reste, elle s'en fout. Pas besoin d'amour (elle refuse les sentiments que lui propose son amant occasionnel, qu'elle fréquente uniquement pour le plaisir physique), pas besoin de solidarité (elle ne demande rien à personne, n'a pas besoin d'être "écoutée" comme lui propose l'assistante sociale), pas besoin de s'exprimer non plus (c'est une femme silencieuse dont toute la personnalité passe dans le regard) : seulement la justice, la plus élémentaire, avoir un toit.
Louise Wimmer, c'est une insoumise, comme l'a fort bien remarqué un spectateur. J'ai d'ailleurs pensé à la parenté de nom avec Louise Michel. C'est une femme indépendante, libre. Au moment du pot de l'amitié qui a suivi la séance, une participante s'est étonnée auprès de moi : comment peut-on être libre sans logement, mal payé, à la rue ? Eh oui, difficile à comprendre tellement nos mentalités sont confortables, matérielles et bourgeoises. L'indignation nous connaissons, la désobéissance nous osons parfois mais l'insoumission non, c'est un sentiment devenu inconnu, rare, trop dangereux et cependant tellement précieux. Ne jamais se soumettre, à rien ni à personne, oui c'est une belle idée, et c'est la vie de Louise Wimmer.
A la fin, Louise Wimmer est heureuse : elle a trouvé un appartement dans une banlieue pourrie, au milieu de tours inhumaines mais qui deviennent dans son regard, sous le soleil, avec la joie d'avoir enfin un toit, très très belles.
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