mardi 20 décembre 2011

Entre gens importants.

J'ai rencontré ce matin l'IA. C'est qui ? L'inspecteur d'académie, récemment nommé dans l'Aisne. Dans l'Education nationale, nous parlons par sigles, c'est une manie. Peut-être pour aller plus vite, pour dire plus de choses. Par exemple le pépé n'est pas chez les enseignants un grand-père mais le professeur principal (PP). Quand on parle de l'IA, c'est donc l'inspecteur d'académie. Et ainsi de suite ...

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'IA n'inspecte pas l'académie d'Amiens puisqu'il séjourne dans l'Aisne. C'est peut-être aussi pourquoi on l'appelle l'IA et pas l'inspecteur d'académie. La personne qui gère l'académie (de Picardie) s'appelle le recteur. On ne dit pas pourtant le R. L'IA, lui, gère les écoles et les collèges du département. Le recteur aussi, mais avec les lycées. Bref c'est compliqué, aussi compliqué que le labyrinthe de couloirs et de bureaux du rectorat à Amiens.

Ce qui complique encore la situation, c'est que l'IA n'est pas le seul inspecteur dans l'Education nationale. Il y a les IEN (inspecteurs de l'Education nationale), dont le titre est évasif mais la mission administrative très précise : inspecter les enseignants des écoles dans une circonscription. Il y a les IPR (inspecteurs pédagogiques régionaux) qui inspectent les professeurs d'une discipline. Il y a les IG (inspecteurs généraux), l'équivalent des IPR mais au niveau national. Bref c'est compliqué.

Ce matin, je suis allé à la rencontre de ce monde compliqué avec des idées simples : présenter au nouvel IA les activités de la Ligue de l'enseignement (la FOL, puisqu'il faut s'exprimer en sigle), dont je suis dans l'Aisne le président. Pour se faire, j'ai mis mes habits de président : costume et cravate. Ce n'est pas trop mon style mais c'est mon devoir. Certes la cravate est surfaite depuis quelques années. Elle tient tout de même bon. Entre gens importants, c'est un signe de distinction. Quand on veut laisser croire qu'on est important, c'est une obligation. L'habit fait le moine.

J'étais donc fin prêt, costume repassé de la veille, pour cette rencontre au sommet, dans la froide cité administrative sur les hauteurs de Laon. Sauf que j'ai fait une connerie : sortant de ma voiture, j'enfile mon manteau et j'oublie ma veste. J'en prends conscience une fois dans le bureau de l'IA, enlevant mon manteau et me retrouvant en chemise à la BHL, comme un pingouin dont le noir du dos aurait été effacé par le blanc du ventre. Heureusement que je suis prof de philo, à qui on pardonne toutes les étourderies, qui font même partie de la panoplie !

Une connerie en annonce souvent une autre : quand l'IA est arrivé pour servir le café, j'ai senti le danger. Le sucre dans son emballage m'a résisté. Je veillais en même temps à ne pas faire trop de bruit en dépliant le papier. Opération risquée : un mauvais geste et c'est la tasse qui pouvait se renverser sur ma chemise blanche ou, pire, sur le pantalon de l'IA. J'ai anticipé le possible incident et j'ai bien joué.

A part ça, on s'est dit quoi ? Le nouvel IA est un homme sympathique, ouvert, attentif et plein de projets. J'en suis ressorti, ainsi que mes camarades de la Ligue, avec plusieurs idées : étendre l'expérimentation des ateliers philo dans les écoles, préparer des modules d'animation sur la laïcité, organiser la commémoration du 300ème anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, relancer les opération de lectures en direction des plus jeunes, faire mieux connaître les actions de la Ligue en faveur des enfants handicapés, ...

En sortant de l'entretien, retrouvant ma voiture, j'ai retrouvé ma veste, amoureusement repassée pendant une heure pour rien ! Sur le chemin du retour, je me suis posé cette question philosophique et pédagogique : un homme avec cravate mais sans veste est-il moins important que le même avec veste ?

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