dimanche 4 décembre 2011

Contre le sectarisme.




Cette photo avec Pierre André, prise vendredi matin à l'étage du Carillon (là où commence le premier chapitre de mon livre), lors de la présentation de l'ouvrage à la presse, je l'ai voulue. Pierre André n'y tenait pas particulièrement, souhaitant rester en retrait après m'avoir proposé la rédaction de ce projet et fait rencontrer l'éditeur de la ville, Michel Marcq. D'autre part, les journaux locaux avaient au préalable généreusement couvert ce qui a été perçu comme un petit événement. Je n'avais pas besoin d'aller plus loin. Et pourtant j'ai voulu cette photo et cette rencontre avec Pierre André, entourés de mes amis qui ont relu le manuscrit et prodigué leurs conseils. Pourquoi ?

Parce que je n'ai pas la culture de l'ingratitude, si souvent répandue en politique, où l'on trahit aussi facilement qu'on s'acoquine. Pierre André ne m'a pas fait un cadeau puisqu'il m'a demandé un travail. Il ne m'a pas rallié à sa cause puisque je reste aussi libre qu'avant, socialiste avant tout, comme le prouvent les billets de ce blog. Mais celui qui était alors maire de Saint-Quentin m'a donné une formidable opportunité, à laquelle je n'aurais jamais osé penser (je suis chroniqueur, pas écrivain ; je m'intéresse à la politique, pas vraiment à la littérature).

Ce faisant, Pierre André a prouvé qu'il n'était pas sectaire, qu'il pouvait confier une tâche pas facile, qui ne rapporte pas gros sinon peut-être des ennuis, à quelqu'un qui n'est pas de son bord politique. Il aurait pourtant aisément pu trouver d'autres talents parmi ses amis, dans des styles certes différents. J'ai voulu publiquement l'en remercier et faire aussi de cette photo une démonstration politique (alors que le livre n'est pas du tout politique) : oui la politique peut échapper au sectarisme.

Mais c'est quoi exactement le sectarisme ? C'est rester entre soi, privilégier les siens, dénier toute qualité à ceux qui n'appartiennent pas à votre parti, et plus et pire que tout : ne pas se conformer à l'intérêt général, ne rechercher que ses petits intérêts personnels et particuliers. Moi-même j'ai été sectaire, mais il y a prescription aujourd'hui. Je me souviens d'un dîner-débat de Rencontre Citoy'Aisne, en 2003, alors que j'étais secrétaire de section du PS. Notre invité était Alain Gibout, maire-adjoint chargé de la vie associative, pour débattre de ce sujet. Je m'étais fait excuser : pas question de partager la table et les couverts avec la droite. Qu'est-ce qu'on est bête quand on a 40 ans ! A 50, ça va un peu mieux. Mais je ne suis vraiment pas fier de moi.

Je n'ai relaté ici qu'un caractère sectaire ne relevant que de ma personne. Mais je pourrais en citer quelques autres dans mon environnement, qui font que peu à peu les Saint-Quentinois ont localement perdu confiance en nous. Par cette photo, je veux commencer à rétablir cette confiance. Le sectarisme prospère aussi sur la bêtise humaine qui embrouille tout. Sur cette photo, vous ne voyez pas un sénateur UMP et un militant socialiste, mais le maire d'une ville soucieux de faire connaître celle-ci à travers une entreprise inédite et un rédacteur de blog qui aime écrire et qui aime sa ville : rien de plus, rien de moins.

Bien sûr, la démocratie ne perd pas ses droits : comme je l'ai dit devant les deux Guillaume (Balout de L'Aisne et Carré du Courrier) et Pierre André, je reste un adversaire politique de celui-ci, mais dans le respect de sa personne et la reconnaissance honnête de ce qu'il a fait pour notre ville, même si je souhaiterais une autre politique. Car le sectarisme est fondamentalement malhonnête, il mélange vie publique et vie privée, il se gargarise d'attaques personnelles. Je déteste ça.

Vous me direz peut-être que Pierre André n'est pas un tendre, qu'il s'en prend brutalement à ses adversaires politiques ? Et moi, croyez-vous que je sois un tendre ? La politique est un combat, Pierre André enfile les gants de boxe, mais c'est normal : à la gauche locale de faire de même, de ne pas rester sur la défensive, d'attaquer ! Mais la démocratie et l'affrontement politique qui lui est inhérent ne sont pas condamnés au sectarisme. Je crois à l'honnêteté et au respect dans la différence des opinions. C'est aussi ce que veut dire cette photo.

Une dernière réflexion me rend méditatif, cette fois sur le rôle du destin dans une existence. Imaginez un peu qu'en 2008 j'ai été désigné par mes camarades comme chef de file de la gauche, comme je le voulais très fort. Jamais sans doute Pierre André ne m'aurait proposé de rédiger un livre et cette photo n'aurait pas pu avoir lieu. Nous nous serions affrontés en conseil municipal, nous n'aurions eu que des relations purement politiques. Mais quelle est la meilleure destinée : ce qui finalement a eu lieu ou ce qui aurait pu avoir lieu ? Chroniqueur de Saint-Quentin ou chef de l'opposition ? Bizarre la vie ... Et je n'ai pas renoncé à reprendre en 2014 le fil interrompu en 2008 ! C'est illusoire ? La politique est faite d'illusions qui deviennent un jour des réalités.

Demain soir, je serai comme d'habitude au balcon du conseil municipal. Mais cette fois les élus de gauche et de droite pourront me rendre une petite visite, pour leur dédicacer s'ils le souhaitent ce livre qu'ils ne peuvent, par la qualité qui est la leur, qu'acheter. Sans sectarisme.

Merci à Irène pour la photo.

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