mercredi 30 octobre 2013

La dernière tentation de JR



Dans un journal, je lis tout. Les brèves, par exemple, nous apprennent des choses étonnantes. Samedi, les "Echos de campagne" du Courrier picard m'interpellent par ce titre : "Le PRG fait de la retape dans le Saint-Quentinois". Le délégué de circonscription des radicaux de gauche est désigné : c'est Jean-René Boutreux. René ? Non, Robert, sauf s'il existe un autre Boutreux portant ce prénom, mais je ne crois pas.

JR, comme il nous arrive de l'appeler, bien qu'il ne porte pas le Stetson blanc de l'affreux Ewing (ni ne lui ressemble au moral), est un personnage public depuis longtemps connu à Saint-Quentin et alentours. Pas en rad soc laïquard, mais en écolo modéré, tendance Génération écologie, dont il est membre du bureau national et délégué régional de Picardie. Jean-Robert Boutreux est par ailleurs maire-adjoint à Levergies et responsable de l'association Vie pays environnement. Dernièrement, il s'est impliqué dans le lancement d'un SEL (Système d'échanges locaux). Quand on est un élu, un politique et un associatif, engagé localement depuis au moins une vingtaine d'années, on est forcément quelqu'un qui compte.

Mais quel rapport entre l'écolo et les radicaux (de gauche) ? C'est là où ça se complique un peu. Commençons par le PRG, ex Radical, ex PRS (parti radical socialiste), ex MRG (mouvement des radicaux de gauche). Je me sens assez proche de ce courant, cousin du PS, mais spécifiquement républicain, réformiste et laïque. J'ai souvent regretté qu'il ne soit pas représenté à Saint-Quentin. Petit retour dans le proche passé : après la défaite de la gauche aux élections municipales de 1995, les radicaux se sentent orphelins (à l'époque, en tant que secrétaire de section socialiste, je les avais rencontrés). Au lieu de rallier Odette Grzegrzulka aux municipales suivantes, en 2001, ils choisissent de rejoindre le maire UMP Pierre André ! Ainsi, Dominique Bouvier, Jean Dufour, Michel Aubin deviennent conseillers municipaux, et leur chef de file Alain Peyronie, maire-adjoint.

A la suite de ces défections, le PRG est animé, au début des années 2000, par un jeune homme sympathique, Florent Michelot. En 2008, un nouveau responsable radical de gauche, Stéphane Fabris, membre du bureau fédéral, refuse de rejoindre la liste de gauche-extrême gauche, pour les raisons qu'on devine et qui sont les miennes. Depuis, une nouvelle tête, mais jamais vue, s'est imposée chez les radicaux de gauche saint-quentinois : Halima Kebaïli, responsable du très discret Cercle Pierre-Mendès-France. Bref, un parti largement absent de la scène locale depuis une douzaine d'années, des représentants qui changent régulièrement, aucun élu ... et pas de Boutreux ! Comme je ne crois pas au lapin qui sort du chapeau, il faut trouver une explication, et remonter cette fois dans l'histoire de JR et de GE.

En 1991, Brice Lalonde est l'écologiste à la mode, fringant ministre de François Mitterrand, leader du mouvement Génération écologie à une époque où les Verts ne sont pas encore la force politique qu'on connait aujourd'hui. Brice vient dans l'Aisne, par Château-Thierry, pour recruter et s'implanter. Aux élections cantonales de 1992, GE a son candidat sur Saint-Quentin nord, un bon profil, le directeur du Centre social Europe (situé dans le canton) : Jean-Robert Boutreux ! En 1993, la gauche perd les élections législatives et donc le pouvoir. A partir de cette date, Brice Lalonde, initialement libéral libertaire, devient de plus en plus libéral et de moins en moins libertaire : concrètement, il s'éloigne de la gauche et se rapproche de la droite, jusqu'à appeler à voter Chirac aux présidentielles de 1995.

Dans l'Aisne et à Saint-Quentin, Génération écologie continue de prospérer. Le mouvement a quatre élus au Conseil régional de Picardie, présidé par l'UMP (alors RPR) Charles Baur. GE joue dans l'assemblée régionale un rôle charnière, permettant à la droite d'avoir la majorité qui lui manque. C'est une force d'appoint, dont les votes sont à géométrie variable (ce sera le rôle dévolu au FN après les élections régionales de 1998, Baur s'alliant alors à l'extrême droite). A Saint-Quentin, aux élections législatives de 1997, Génération écologie présente une candidate que Jean-Robert connaît bien : Agnès Boutreux-Potel, qui au second tour appelle à voter Charles Baur, confirmant ainsi la droitisation du mouvement. C'est finalement la socialiste Odette Grzegrzulka qui l'emportera. Mais Agnès Boutreux-Potel, jusqu'à aujourd'hui, sera adjointe dans l'équipe municipale UMP et alliés.

Dans ces années 2000, un étrange personnage va faire son apparition dans la vie politique saint-quentinoise, plusieurs fois candidat sous l'étiquette GE, y compris sur une liste européenne : Daniel Wargnier, poète à ses heures, lieutenant en quelque sorte de JR, qui choisit de rester au second plan, même si ses incursions en politique et ses apparitions médiatiques sont régulières : la dernière en date, une réunion sur et contre le cumul des mandats, il y a un an. Et les radicaux de gauche dans tout ça, quel rapport avec notre écolo ? Eh bien, Génération écologie, née à gauche, puis déportée vers la droite, s'est enfin rapprochée de la gauche au début des années 2010, en signant des accords statutaires avec le PRG (nous y voilà !).

Au fond, je crois que Jean-Robert Boutreux n'a jamais cessé d'avoir en lui une culture de gauche, modérée, rocardienne, même si, au sein de GE, il s'est plié à des orientations qui n'allaient pas tout à fait dans ce sens-là. Mais cet homme de convictions et de réflexions est-il vraiment à l'aise dans un rôle de leader ? Je n'en suis pas certain. Sa nature le pousse au compromis, il se sent peut-être mieux dans la peau d'un conseiller actif que d'un militant qui partirait à l'assaut de la forteresse UMP. Mais qui sait ? Car s'il réorganise le PRG dans le Saint-Quentinois, ce n'est pas pour des prunes : ce parti, en vertu de son alliance avec le PS, aura forcément au moins une place éligible sur la liste de gauche aux prochaines élections municipales. JR en éprouverait-il la tentation ? Alors, il retrouverait probablement dans le nouveau Conseil municipal une ancienne militant de GE, Agnès Potel, mais cette fois-ci dans le camp adverse. La politique joue parfois de drôle de tour, dans cet univers impitoyable qui n'est tout de même pas celui de "Dallas".

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous pensez qu'elle aura une place éligible dans la future opposition et qu'elle siégera après avoir été dans la majorité ?

Emmanuel Mousset a dit…

Je pense qu'elle a une culture de droite et qu'elle restera à droite, dans la majorité ou dans l'opposition.