mardi 2 avril 2013

Rendez-nous "Noir sur blanc" !



Le samedi 23 mars, en achetant L'Aisne Nouvelle, je ne me suis pas trop inquiété en n'y retrouvant pas la petite rubrique "Noir sur blanc", que j'apprécie tout particulièrement. J'ai mis cette absence ponctuelle sur le compte d'une actualité pauvre (pourtant, en cherchant bien, on trouve toujours quelque chose à dire), d'une panne d'inspiration (mais les journalistes n'en manquent pas) ou d'une contrainte technique. Les jours suivants, jusqu'à hier (je n'ai pas encore lu l'édition de ce matin), la triste disparition s'est confirmée : plus de "Noir sur blanc" dans L'Aisne Nouvelle !

C'est tout de même un petit événement pour les lecteurs de presse. D'abord, il y a la force de l'habitude : en quinze ans de vie saint-Quentinoise, j'ai toujours connu cette rubrique. Sa fin est donc un choc. Surtout, qu'est-ce qu'un aficionados de la presse locale lit en premier dans le journal ? Le sport, la nécrologie et ... "Noir sur blanc". Celle-ci disparue, j'ai presque envie de m'écrier : remboursez ! J'en veux pour mes 0,80 euros, je demande le retour de "Noir sur blanc" !

Enfin, le style de cette rubrique est un exercice journalistique très précieux, d'une grande valeur à mes yeux (et non pas superficiel ou anecdotique comme on pourrait le croire) : condenser en quelques phrases un trait piquant, singulier, original de la vie locale, c'est du grand art, qui rejoint la pratique de l'aphorisme. Il faut avoir le coup d'oeil, l'oreille fine, le sens du détail révélateur, une économie de mots pour mettre en relief un fait d'apparence minime, qui ne mérite pas en soi un article mais qui intéresse le lecteur.

Et puis, "Noir sur blanc" a une vertu démocratique, c'est-à-dire critique. Très souvent, ce sont les travers, les bévues, les lapsus des hommes publics qui sont évoqués, qu'on ne pourrait pas évoquer ailleurs que dans cette rubrique. Les grands et les influents de la ville y paraissent moins grands, les petits cachottiers y voient leurs misérables secrets éventés, les médiocrités des uns, les stupidités des autres y sont mises en pleine lumière. "Noir sur blanc" a donc aussi une fonction moraliste, au sens que cet adjectif avait au XVIIe siècle, à la façon de La Bruyère, La Rochefoucauld, Chamfort. Le philosophe Hegel disait : "Il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre". Pareil pour "Noir sur blanc".

Et puis, a-t-on pensé à Stéphane Monnoyer, Daniel Wargnier, Antonio Ribeiro et quelques autres (la pudeur exige d'arrêter là ma liste) en l'absence de "Noir sur blanc", dont ils étaient les protagonistes réguliers ? Que deviendront ces personnages pittoresques et parfois comiques, qui misent entièrement sur le présent de l'actualité, à défaut d'avoir un avenir politique ? "Noir sur blanc" plait, amuse, intrigue, il se lit rapidement, c'est un espace de liberté, d'irrévérence, il ne faut pas y renoncer !

Certes, il nous reste le "Petit Carillonneur" du mardi ... mais il faut attendre le mardi. Le Courrier picard a une rubrique semblable, "Sous la plume de Maurice", mais pas non plus de billet d'humeur quotidien. Seul L'Union a conservé le rythme journalier, mais Saint-Quentin n'est plus concerné. Cette disparition ou cette raréfaction sont-elles dans l'air du temps ? La presse préfère en rester à des articles purement informatifs, sans les polémiques qu'occasionnent forcément les chroniques du genre "Noir sur blanc" ? C'est une hypothèse ... La singularité de cette chronique, c'est qu'elle est à la fois très personnelle, subjective et non signée.

Que faire maintenant ? Avant tout, ne pas désespérer : "Noir sur blanc" n'est pas irrémédiablement condamné, une reprise de la rubrique est toujours possible. Comment ? En faisant savoir, comme je l'ai fait à travers ce billet, la déception, le désappointement, la frustration des lecteurs. En écrivant au rédacteur en chef, à la responsable d'agence, en interpellant les journalistes, en sollicitant l'intervention de personnalités influentes, Pierre André et Xavier Bertrand (mais je ne suis pas non plus certain qu'ils acceptent de se faire les défenseurs de "Noir sur blanc"). Bref, chacun fera ce qu'il pourra, selon sa conscience et ses moyens. Et nous verrons bien.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Comment François Hollande et son premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ont-ils pu prendre le risque de s’en remettre, pieds et poings liés, à un seul homme qui, en quelques mois, était devenu l’arbitre des élégances économiques ? Le président de la République que l’on décrit si habile a fait un pari insensé en faisant de Cahuzac le héraut de ce social libéralisme naissant. C’est bien lui qui affronta Jean-Luc Mélenchon dans un singulier combat à défaut d’être un combat singulier et traita le leader du Parti de gauche de « clown » et d’« homme seul ». Des attaques qui résonnent cruellement aujourd’hui.

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