dimanche 21 avril 2013

La République au soleil



J'ai passé une partie de l'après-midi allongé dans l'herbe, au soleil, la tête dans le ciel. Mais pas n'importe quelle herbe : la pelouse du jardin du Luxembourg, à Paris. Le matin, j'avais animé la séance du café philo des Phares, à la Bastille, sur le thème : la force des faibles. En sortant, les premiers manifestants en faveur du mariage pour tous se mettaient en place. Je reviens à ma pelouse, sur laquelle je me suis assoupi, jusqu'à être réveillé par un drôle de bruit, un gros bourdonnement au dessus de moi : un hélicoptère !

Cet engin à cet endroit, c'est peu banal, surtout lorsque je me suis rendu compte qu'il stationnait dans le ciel, ou évoluait mais par aller et retour. J'ai quand même vite compris : il suivait la manifestation des anti-mariage homo, de Denfert aux Invalides. Au déplacement de l'hélico, j'ai pu suivre l'avancement du défilé et même grosso modo évaluer sa longueur, le mouvement de l'hélicoptère en donnant une petite idée, par déduction. Quand on est allongé dans l'herbe à ne rien faire, il suffit de peu de choses pour occuper l'esprit.

Puis j'ai redescendu le boulevard Saint-Michel en pensant, comme à chaque fois que je suis là, à Mai 1968. Et je me suis dit aussi que le mariage homo, finalement, je m'en fichais : je ne suis ni marié, ni homo et je n'ai envie ni de l'un ni de l'autre. Je me sens étranger au mouvement LGBT, je ne m'intéresse pas à la théorie du genre. Mais je suis de gauche et républicain. La République, c'est quoi ? Une devise qui commence par la liberté ... et qui finit par elle. L'égalité, on en est encore loin et la fraternité n'est pas très développée. Si la République a mis en premier la liberté, c'est qu'elle pressentait que sur ce terrain elle serait la plus forte.

Quel rapport avec le mariage homo ? J'y viens : il y a des tas de gens très bien qui sont contre (et même quelques personnalités de gauche), pour des raisons éminemment respectables, d'ordre anthropologiques ou spirituelles. Mais il y a un argument que je retiens, qui me semble déterminant : celui de la liberté. La loi sur le mariage pour tous ne touche absolument pas à la liberté des anti, qui n'y perdent rien, et elle accorde une liberté nouvelle à ceux qui sont pour. Au nom de quoi, en République, être gêné par la liberté, ou refuser une liberté supplémentaire qui ne lèse personne ?

Je vais plus loin : une fois la loi adoptée, les anti pourront continuer à militer contre, à dissuader, par leur argumentation, d'utiliser ce droit nouveau. S'ils ont raison, s'ils sont convaincants, la loi deviendra lettre morte, sauf pour quelques partisans qui feront appel à elle. Et puis, cette droite qui soutient le mouvement contre le mariage homo pourra, dans son prochain programme électoral, proposer l'abrogation du texte législatif actuel.

Vous voulez que je vous dise ? Les adversaires du mariage homo vont très vite ranger leurs banderoles et on n'en entendra plus parler. L'UMP ne fera pas campagne, lors d'une prochain élection, pour la suppression du mariage pour tous. Qu'est-ce qui me rend si catégorique ? C'est qu'en République (et à part l'extrême droite, nous sommes tous républicains), la liberté est une valeur plus forte que tout. Quand on y a goûté, on ne revient pas dessus.

C'est beau la République, quand on est allongé dans le Luxembourg et qu'on traverse le quartier Latin, qu'il fait aussi beau temps qu'aujourd'hui. Ca rend confiant.

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