dimanche 14 avril 2013

Du beau, du bon, du boudin



On croit parfois que la prévision en politique est une science impossible ou un art compliqué. C'est faux ! Le cerveau sert à peine ; en revanche, il faut avoir de bons yeux. Ce matin, à l'inauguration officielle de la XXIIIème Foire au Boudin à Saint-Quentin, tous les candidats à la prochaine élection municipale étaient là, les bons et les mauvais, les vrais et les faux, les possibles et les certains (n'attendez pas de moi que je mette des noms devant chacun de ces qualificatifs : là, il faut utiliser son cerveau, les yeux ne suffisent pas, je vous laisse choisir). Bizarrement, mais pas si bizarrement que ça, les absents faisaient beaucoup plus parler d'eux que les présents, à charge évidemment. Ce qui est certain, c'est que ce rendez-vous incontournable de la vie saint-quentinoise ne se rate pas.

Au départ, William Lesur, figure historique de la CGT et du parti communiste, était là, avant même l'arrivée des personnalités officielles, accoudé à la barrière de protection. J'ai cru un instant à une manif, en ces temps de radicalisation politique. Mais non, William attendait son frère. Il n'y a pas que la politique dans la vie, il y a aussi le boudin. Quelques minutes plus tard, adossés à cette même barrière métallique, je retrouvais les représentants de la Confrérie du Boudin de Saint-Quentin Saint-Jean, auprès du Bouffon de la Ville (vignette 1, et derrière, entre Jean-Paul Lesot et Daniel Bourdier, vous reconnaissez William Lesur).

Il faisait beau, il faisait chaud, le boudin sentait bon et nous sommes tous partis, officiels, semi-officiels, clandestins et anonymes vers la salle Paringault, pour la cérémonie d'intronisation. A l'entrée, après avoir coupé le ruban, Xavier Bertrand a distribué autour de lui des morceaux de boudin, comme le prêtre avec la Sainte Communion. Même la gauche y a eu droit (Jacques Héry and me). Ca tombe bien, j'aime le boudin ! A l'intérieur, l'immuable rituel s'est déroulé comme à l'accoutumée, sous la direction du Grand Maître de la Confrérie, Daniel Caudron, dont les jeux de mots ont fait rugir de jalousie Daniel Wargnier (qui rugit de toute façon, à n'importe quelle occasion).

On pourrait croire qu'une inauguration de la Foire au Boudin est un éternel recommencement où il ne se passe rien de nouveau. C'est faux ! et croyez-en mes quinze ans d'expérience, durant lesquels je n'ai jamais manqué l'événement. Mais pour percevoir les changements, il faut avoir de l'oreille. Cette année, parmi les intronisés, plus aucune personnalité locale, "à cause de la politique", a expliqué le Grand Maître (eh oui, la politique est partout, même dans le boudin).

Du coup, ce sont des bénévoles de l'association Saint-Jean et des enfants qui ont été choisis (vignette 3, le serment prêté à genoux et vignette 4, l'engagement "par le sang du cochon"). Pour les enfants, une entorse a été faite à la sacro-sainte règle initiatique qui oblige à manger, parfois sous la grimace, une rondelle de boudin accompagnée d'un verre de rouge, remplacés par des chocolats et du jus de raisin. Nouveau également, en tout cas depuis fort longtemps, la présence de la télévision régionale, France 3 Picardie, qui n'a peut-être pas senti que l'odeur du boudin mais celle de la politique, à un an des élections municipales.

Dans son intervention (vignette 2), Xavier Bertrand a plaisanté sur les prochaines municipales (puisque je vous dis qu'avec le boudin tout le monde ne pensait qu'à ça !) en proposant qu'elles se jouent à la consommation de boudin ( eh eh, si c'est le cas, je ne suis pas si mal placé ...). Au moment du vin d'honneur, il fallait surtout veiller à ne pas se tacher ni tomber sur Daniel Wargnier. Freddy Grzeziczak ne distribuait pas autour de lui des boudins mais des poignées de main, en bon professionnel qu'il est devenu. Stéphane Monnoyer s'était fait accompagné d'un jeune partisan (professionnalisme là aussi : en politique, ne jamais arriver tout seul, mais être entouré, surtout quand on est politiquement très seul ...). J'ai même croisé une revenante, Chantal Pipart, figure de la gauche associative il y a quelques années, exilée puis revenue aujourd'hui.

Dans un an, tout recommencera, les uns seront là, les autres pas, mais le boudin, lui, ne changera pas : c'est le seul élément d'éternité dans ce petit monde saint-quentinois où bien des choses passent.

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