dimanche 7 avril 2013

Choc de moralisation



Après la dramatique affaire Cahuzac, que faire ? L'extrême droite et le Parti de gauche parlent de "pourriture" et veulent donner un "coup de balai" : n'entrons pas dans le jeu délétère des extrémistes. L'opposition républicaine parle de démission, remaniement, commission d'enquête, les centristes pétitionnent. Je n'adhère à aucune de ces propositions, qui vont à la fois trop loin et pas assez. Un homme a failli, c'est un fait. La Justice se charge de son cas, et nous n'avons pas à nous substituer à elle. Politiquement, le chef de l'Etat a dit ce qu'il fallait, conformément au devoir de sa fonction.

Est-ce suffisant ? Il faut aller plus loin que la réaction politique, puisque le scandale est moral : il faut un choc de moralisation de la vie publique, qui ne se réduise pas à des mesures juridiques mais réclame tout un état d'esprit. C'est la République entière qui est concernée, qu'un sursaut moral devrait relégitimer, si on ne veut pas demain assister à la victoire du Front national, c'est-à-dire des antirépublicains. Nous aurons dans quelques mois des élections municipales, qui verront des dizaines de milliers de candidats se présenter aux suffrages des citoyens. C'est l'occasion de procéder à un code de moralité qui rappelle à tous les cinq vertus de la République, selon moi :

1- Sincérité : le plus choquant dans l'affaire Cahuzac, c'est qu'il ait effrontément menti. Autrefois, quand nous n'étions pas une République, les princes mentaient à leurs adversaires, ce n'était pas bien grave, et même sûrement, par esprit de ruse, recommandé. Aujourd'hui, quand un élu ou un responsable politique ment au peuple, c'est insupportable. Je ne crois pas en la transparence totale : il y a une discrétion légitime, des secrets nécessaires en politique. Mais devant le peuple ou ses propres camarades de parti, on n'a pas le droit de mentir. Le devoir de vérité s'impose à tout élu, tout responsable, à quelque niveau que ce soit. Le moindre mensonge discrédite la parole publique.

2- Honnêteté : on ne demande pas à un élu d'être un juste, un héros ou un saint, mais simplement un honnête homme, notamment en matière d'argent. Je ne prêche même pas le désintéressement, je ne vais pas jusque-là, je sais qu'on ne peut pas trop exiger de la nature humaine. Mais qu'au moins on soit au clair sur les situations personnelles des uns et des autres. Dans ce domaine, il ne faut rien cacher, aucun silence ou dissimulation ne sont justifiables. En politique, il ne peut pas y avoir de comptes secrets ou de dessous de table. Quand il y a argent, il faut savoir d'où il vient, et où il va. Le contrôle des fonds des élus, des partis doit être strict.

3- Fidélité : la moralisation que tout le monde appelle de ses voeux est, j'y reviens et j'insiste, un état d'esprit, dont certains individus ne sont pas soucieux : il faut les écarter de la vie publique avant que le mal ne soit fait. Il y a un critère très simple, en politique, pour juger de la moralité publique (dans ce billet, je n'aborde pas la morale privée : en laïque, je laisse libre chacun d'avoir la sienne) : c'est la fidélité à ses convictions. Regardez à Saint-Quentin le parcours sinueux de certains personnages, les transferts (parfois à répétitions) d'un parti à un autre à l'approche d'une élection, parce qu'il y a des places à prendre. Il est évident qu'on ne peut pas se fier à de tels individus, les "ex" quelque chose, qui trahissent aujourd'hui leurs propres convictions, qui demain trahiront leur parti et leurs électeurs. Ils ne doivent en aucun cas figurer sur une liste, encore moins accéder à des responsabilités. Les citoyens de talents sont suffisamment nombreux, à droite et à gauche, pour ne pas confier le sort d'une ville à des opportunistes ou à des aventuriers. Montre-moi ta fidélité, je dirai quel homme politique tu es : voilà l'adage auquel nous ne devrions pas déroger.

4- Discipline : la démocratie, c'est l'Etat de droit, la République, c'est le respect des lois. On ne peut pas transiger avec ça. Au plus petit niveau, toute violation d'une règle n'est jamais petite mais toujours scandaleuse, que cette règle soit électorale, juridique, statutaire, fiscale ou autres. La règle, c'est la règle : dès que cet autre adage républicain est remis en cause, il n'y a plus esprit républicain, c'est la porte ouverte à tous les abus, toutes les manipulations. C'est pourquoi, dans ma section, je continuerai à être intransigeant sur ce point, qui déshonore ceux qui en jouent, par calcul ou par inconscience. On dit souvent que la discipline fait la force des armées : je crois surtout qu'elle fait la force des républiques. Sinon, c'est le règne injuste et anarchique des rapports des forces, où les droits de l'individu sont bafoués. Je crois aussi que la République, c'est le respect de l'autorité légitime : quand un député se permet d'insulter le chef de l'Etat qu'il est censé soutenir, quand un ministre fait de même avec le chef du gouvernement, ce sont des comportements inacceptables qui appellent des sanctions.

5- Exemplarité : c'est sans doute la vertu à laquelle je tiens le plus, parce que la plus probante. Je ne sais plus qui a dit : il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. Je pense qu'il en va de même dans les engagements publics : il n'y a pas de moralité, il n'y a que des preuves de moralité. Celles-ci ne résident pas dans ce qu'on dit (n'importe quel rigolo peut dire n'importe quoi) mais dans ce qu'on fait. Ce sont nos actions, même maladroites, même ratées, qui nous honorent un peu, pas nos parlotes. En politique, il faut écarter d'une liste municipale tous ceux qui ne font rien, parce qu'ils ne feront jamais rien, encore moins une fois élus. Ceux-là, on les repère très vite : ils attendent, ils ne font qu'attendre, ils ne savent que trop combien agir pourrait leur faire perdre la place qu'ils ambitionnent, parce qu'on n'agit jamais sans risques. Ce ne sont pas des militants mais des courtisans : ils se ramènent au premier coup de sifflet ou de téléphone. Les courtisans d'aujourd'hui seront les traîtres de demain, qui iront se vendre au plus offrant. C'est comme ça depuis la nuit des temps, ce doit être différent dans la lumière de la République.

Voilà le choc de moralisation que je souhaite et qui est autrement plus ambitieux que de simples mesures politiques ou juridiques. Mais je le crois tout à fait à la portée de n'importe quel responsable politique qui aura à constituer une liste pour les élections municipales.

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