samedi 20 avril 2013

Gironde conteste



A Saint-Quentin, depuis 18 ans, un axiome quasi mathématique gouverne la droite municipale : union absolue derrière le chef, pas une tête ne dépasse. C'est ce qui fait sa force, et sa victoire presque sans interruption aux élections locales. Toute règle a cependant ses exceptions : Colette Blériot, aux cantonales de 1998, n'en a fait qu'à sa tête ; en 2001, le conseiller municipal délégué aux foires et marchés avait manifesté sa mauvaise humeur (j'ai oublié son nom et la raison) en assistant à une réunion électorale de la députée socialiste, tête de liste, ce qui évidemment avait fait jaser ; quelques années plus tard, Vincent Savelli, alors adjoint, avait tenu, dans le magazine L'Express, des propos peu amènes à l'égard de Pierre André et Xavier Bertrand, quasiment traités de tyrans (!) ; enfin, Antonio Ribeiro, après avoir rallié la majorité, s'en est pris publiquement à sa collègue chargée de l'Education. A chaque fois, le rappel à l'ordre a été efficace et l'axiome de départ confirmé : pourquoi la droite locale s'en priverait-elle puisque c'est ce qui la fait gagner ?

Ce matin, dans le Courrier picard, nouveau coup de canif dans le contrat ou, si vous préférez, fausse note (et c'est rare, je tiens à le souligner, tant la droite saint-quentinoise est soudée) : "L'élu conteste les choix dans les marchés publics", c'est le titre en première page, mais pas le principal. Sur le coup, j'ai cru à une dernière turpitude d'Antonio Ribeiro, tant j'imaginais mal un élu de la majorité se lever ouvertement contre Xavier Bertrand. Mais non, c'est le très sage Paul Gironde. Qu'est-ce qui lui prend ? Il n'est pas content des marchés publics qui reviennent selon lui à des entreprises extérieures à la ville. Une telle prise de position, à un an des élections municipales, sur le sujet le plus délicat et le plus douloureux à Saint-Quentin, l'emploi, a de quoi surprendre.

Quand on sait, de plus, que Paul Gironde est représentant du MoDem, on pourrait presque en conclure à une sorte de dissidence politique. En même temps, il faut être prudent. Dans la forme, il s'agit d'un courrier adressé au maire, dont on se demande comment et pourquoi il a été rendu public : est-ce par la volonté de son auteur ? Ou est-ce la presse qui en a eu connaissance par un autre biais ? La "lettre ouverte" est un mode d'expression politique, mais on ne sait pas vraiment si Paul Gironde en a fait usage.

En tant que conseiller délégué chargé des relations avec les entreprises, l'élu est dans son rôle. Mais quand la journaliste lui demande d'étayer sa critique, la réponse est évasive : "Il n'y a pas d'exemple précis de marchés attribués à des entreprises extérieures : c'est global, c'est une généralité". Ah bon ? Pas d'exemple précis ? A quoi bon alors contester s'il n'y a pas de démonstration précise de ce qu'on avance ? Il y a bien un entrepreneur qui s'en prend à Xavier Bertrand, qui dénonce l'écart entre le discours et la pratique, mais ce contestataire-là tient à rester courageusement "anonyme". Un témoin cependant à visage découvert : Charles Simon, président de Consommateur et citoyen, qui cite l'exemple des fournitures de papeterie scolaire.

Plus surprenant encore, on pourrait s'attendre à ce que l'opposition se saisisse de cette exceptionnelle fissure à droite : pas du tout, son chef de file, Jean-Pierre Lançon, semble plutôt prendre la défense de la Municipalité, en expliquant que "ce qui peut arriver, ce sont des entreprises saint-quentinoises peut-être moins chères mais qui ne remplissent pas le cahier des charges". Gironde tempête et Lançon tempère ! Autre hypothèse : le conseiller délégué ne s'exprime pas vraiment en tant qu'élu, dans une perspective politique, mais en tant que chef d'entreprise qui défend ses intérêts et ceux des patrons locaux. En tout cas, c'est une affaire à suivre ... si suite il y a.

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