samedi 13 avril 2013

La misère de St-Quentin



Qui a dit qu'on ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde ? Je n'aime pas cette formule ... En tout cas, il y en a une qui accepte de recevoir toute la misère de Saint-Quentin : Françoise Malherbe, présidente de l'association Ecout'Jeunes, qui tenait hier soir son assemblée générale, en présence de nombreux responsables associatifs et d'institutions sociales, ainsi que de deux élues politiques, Marie-Laurence Maître et Pascale Gruny.

La présidente, qui a le sens de la formule, a rappelé l'objectif de son association : accueillir, librement et anonymement, les jeunes de 18 à 25 ans dont personne ne veut ailleurs. On vient ici, dans le petit local de la cité Billion, quand on a échoué partout, quand il n'y a apparemment plus aucun espoir. Ils sont parfois jusqu'à 95 lors d'une permanence, et 8 500 passages en 2012. Ce sont les pauvres parmi les pauvres, sans boulot, sans logement, sans souvent de quoi manger, se laver, se vêtir décemment. Ces jeunes sont victimes de la violence, de l'alcool, de la drogue, de la société et d'eux-mêmes. Parfois, ils ne savent ni lire ni écrire, souffrent de problèmes psychiques, sont atteints par la gale ou les poux. Nous sommes en deça de la pauvreté, nous descendons dans la misère.

Que leur propose Françoise Malherbe et son équipe de bénévoles ? D'abord une écoute, en étant la famille de ceux qui n'en ont pas, en leur proposant des solutions de dépannage, mais sans angélisme ni illusion : Ecou'Jeunes ne leur apportera pas "le lait de la tendresse humaine" (Françoise cite une jolie formule de Shakespeare que je ne connaissais pas). Concrètement, des tickets pour la nourriture, l'hébergement provisoire, le transport, les vêtements, les médicaments ... leur sont distribués (et rigoureusement contrôlés). La finalité, c'est de resocialiser ces jeunes à la dérive, en situation de survie, dont on n'imagine même pas l'existence et la galère. Dans ce milieu, un bénévole est "spécialiste dans le désamorçage des débuts de bagarre" (humour de Françoise, qui n'en manque pas). Pour ma part, j'ai animé quatre cafés philo avec eux, qui se sont très bien passés.

Madame Malherbe, contrairement à notre époque, n'évalue pas son efficacité et ses réussites en termes de chiffres mais de situations personnelles qu'elle a réussi à redresser. Une société qui n'a que des bilans chiffrés à l'esprit devient idiote et inhumaine. Mais il faut bien parler argent, même pour ceux qui n'en ont pas : l'association a 291 000 euros de dépenses et 171 000 euros de recettes (des dons privés et des subventions publiques, en diminution, d'un peu plus de 50 000 euros). Un legs permet pour le moment de tenir bon, mais d'ici deux à trois ans, Ecout'Jeunes devra arrêter, alors que les besoins seront toujours là, et même grandissants. Je le dis aux personnes politiquement influentes dont je sais qu'elles lisent ce blog : la disparition de l'association de Françoise Malherbe serait une catastrophe sociale et un scandale moral pour Saint-Quentin. Débrouillez-vous, mais il faut absolument trouver de l'argent !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ancienne salariée de cette association, je suis à la fois heureuse et malheureuse de voir qu'elle perdure. Malheureuse de voir que la situation ne s'arrange pas, heureuse de savoir que Françoise n'a pas baissé les bras. J'ai beaucoup d'admiration pour cette femme et je sais à quel point ces jeunes ont besoin de cet endroit. Aidez la, aidez les, tant que vous pouvez.