samedi 27 avril 2013

L'ordre et l'égalité



Le grand mouvement contre le mariage pour tous, étonnant par son ampleur, mérite qu'on l'analyse d'un peu plus près, sans préjugé ni visée polémique. Il va forcément sur sa fin, le combat cessant non faute de combattants, qui sont nombreux et toujours mobilisés, mais faute de combat, une fois que la loi sera définitivement adoptée, tous les recours légaux épuisés. Je ne crois pas que nous ayons assisté, depuis plusieurs mois, à l'affrontement des cathos contre les homos. Il n'y a pas d'un côté une cause spirituelle, même si toutes les religions ont manifesté leur hostilité au projet de loi, et de l'autre côté la cause d'une minorité sexuelle. Ce n'est pas la lutte de la foi contre le droit.

Non, ce n'est pas dans la morale ou la religion qu'il faut aller chercher les racines et les ressorts du conflit, mais bel et bien dans la politique. C'est cette lecture-là qu'il faut faire, selon moi, de l'événement. Car les adversaires du mariage pour tous n'étaient chrétiens que pour une minorité, et tous les chrétiens ne se sont probablement pas reconnus dans ces manifestations de masse. En revanche, et c'est une évidence, un constat, toute la droite, jusqu'à ses extrêmes, a participé au mouvement (à l'exception de quelques individualités). L'UMP a engagé ses troupes sur ce terrain.

De même, les partisans du mariage pour tous n'étaient pas forcément homosexuels, loin de là. Au contraire, la grande majorité s'est recrutée parmi les hétéros. Là aussi, c'est le critère politique qui a été premier, puissant, mobilisateur : tous les partis de gauche et d'extrême gauche se sont retrouvés dans ce combat. C'est donc sur ces faits incontestables et massifs qu'il faut faire reposer l'analyse, pour tenter de comprendre quelque chose à un soulèvement inattendu.

Comme bien souvent dans notre histoire nationale, il y a confirmation du clivage droite-gauche, que certains, confondant leur désir et la réalité, s'obstinent à vouloir effacer ou relativiser, alors qu'il n'a jamais été aussi flagrant. Depuis deux siècles, la valeur qui détermine l'imaginaire de droite, c'est l'ordre. Fondamentalement, un homme de droite se reconnaît à ce qu'il est, avant tout, un homme d'ordre. Or, dans une société qui n'a jamais autant bougé, et si rapidement, bien des formes d'ordre sont mises à mal. Nous vivons, à tort ou à raison, une époque de changement permanent, comment sans doute l'humanité n'en a pas connu par le passé, en tout cas pas avec une telle accélération. Dans cette situation singulière, l'homme d'ordre est déboussolé (au sens étymologique du terme), il lui faut des repères, il ne lui reste plus qu'un seul type d'ordre, naturel, biologique auquel se raccrocher, la famille, sous sa version la plus traditionnelle, père, mère et enfants.

Autrefois, la droite défendait l'ordre social, politique ou religieux ; elle a cédé sur ces trois terrains, s'est modernisée elle aussi, est devenu progressiste et réformatrice sur certains points. Mais la famille demeure son dernier point d'ancrage, sur lequel elle ne peut pas céder sans risquer de se renier. La famille, c'est l'ordre le plus basique qui soit, dans lequel Aristote voyait déjà une petite société en miniature, avec son chef, sa loi, sa hiérarchie. Les grands penseurs réactionnaires du XIXème siècle ont tous promu la famille comme pilier de la société. J'ajoute que ce point de vue, cette sensibilité politique qui n'est pas la mienne est parfaitement cohérente et respectable.

A gauche, la valeur structurante, c'est l'égalité. Quand le peuple de gauche se soulève, manifeste, c'est souvent pour elle. A droite, où l'on a autant le sens de la justice qu'à gauche, c'est plutôt la valeur d'équité qui a la préférence. Pour la gauche, le mariage homo n'est pas fondamentalement une affaire de différence sexuelle ou la promotion d'un mode de vie, c'est l'élargissement d'un droit en vue d'une plus grande égalité entre les couples. Le "pour tous" est ce qu'il y a de plus important, qui signe l'objectif d'égalité du projet. Ce n'est pas du tout une revendication libertaire ou libertine.

On se plaint parfois que la politique ne séduise plus, que l'idéologie soit passée de mode. Mais nous avons assisté ces derniers mois à un formidable débat idéologique, à une grande confrontation politique entre la France de droite et la France de gauche, alors qu'on pouvait plutôt s'attendre à un soulèvement social sur la question du chômage ou du pouvoir d'achat. Non, c'est une question sociétale qui a mis le feu aux poudres. L'étranger s'en étonne, mais notre pays est ainsi.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

je suis d accord la France de droite c est mobilisée contre le projet mais la gauche si elle n a pas défilé contre ne c'est pas vraiment mobilisée pour aider madame Taubira à défendre le projet de loi.
les élus de gauche ont rarement participé aux débats organisés localement en province et ils ont que très minoritairement participé aux défilés de soutien dans les grandes villes.
La communauté homosexuelle est assez amère sur l attitude des élus de gauche qui pour beaucoup se sont fait très discret sur ce sujet.
A st Quentin, même chose il y a bien eu une réunion publique sur la reforme du rythme scolaire mais rien sur le mariage pour tous