samedi 28 juillet 2012

Yvon Berthelot



Les vacances d'été, c'est la période des découvertes. J'en ai fait une, très belle, hier à Noyon, que j'aimerais vous faire partager. Sortant de la maison de Calvin, j'ai tout de suite repéré, à sa devanture, une magnifique pâtisserie, 1 place de l'Hôtel de Ville, du nom d'Yvon Berthelot. C'est la finesse des gâteaux qui a retenu mon attention. Trop souvent, chez nos pâtissiers, ils sont trop gros, trop lourds et, au goût, trop sucrés. Une pâtisserie, avant d'être dégustée, doit être belle à regarder. Là, je n'hésite pas : Berthelot est nettement supérieur à Henri, Dubedout et Laroche, de Saint-Quentin.

Je parle bien sûr d'expérience, puisque j'ai fait quatre achats, histoire de juger : une tartelette citron, une meringue, un gâteau au chocolat et un gâteau à la crème. Le panel est suffisant pour se faire une juste idée : c'est délicieux, je vous le certifie, et ce sera probablement ma plus belle rencontre de l'été, ce Berthelot que je ne connaissais pas. Noyon, c'est à trente bonne minutes de Saint-Quentin : faites le saut, ça vaut le détour.

Mes lecteurs les plus anciens savent ma vocation contrariée, devenir pâtissier, empêchée par un asthme de jeunesse. Tout ce qui touche à la pâtisserie est pour moi magique. Je ne suis venu à la philosophie et à l'enseignement que sur le tard. Mentalement, j'étais fait pour être pâtissier. D'abord parce que c'est le plus beau métier du monde, faire plaisir aux autres ! Ensuite parce que c'est une profession influente : avec la philo, je touche seulement quelques centaines de personnes sur la ville, avec la pâtisserie ce serait plusieurs milliers ! Enfin la pâtisserie est un art extrêmement raffiné, subtil et fondamentalement bon, alors que la philosophie peut être vicieuse et retorse. Et puis, les plaisirs de la bouche déçoivent moins que les plaisirs du cerveau.

Mais pourquoi pas la cuisine en général ? Non, celle-ci s'adresse au ventre tandis que la pâtisserie sollicite uniquement le palais. Le cuisinier travaille pour les gens qui ont faim ; ça ne m'intéresse pas. Le pâtissier se consacre aux gens qui ont du goût, c'est complètement différent. Je vois la cuisine comme une science et la pâtisserie comme un art. Attention : je n'appelle pas pâtisseries les ignobles sucreries que bouffent les gros gamins. Je n'aime pas non plus ce mélange des genres que sont les boulangeries-pâtisseries, qui ne sont finalement ni vraiment l'une, ni vraiment l'autre. La boulange, c'est autre chose. Je n'accepte de joindre à pâtissier que glacier et chocolatier. Sinon, on tombe dans l'hérésie. Le seul reproche que j'adresse à Yvon Berthelot, c'est d'avoir cédé à la viennoiserie, ce qui ne se devrait pas chez un pur pâtissier.

Toute ma vie a été rythmée par des noms de pâtissiers et de pâtisseries, par exemple Bongrand à Saint-Amand-Montrond ou Bazot à Bourges. Lorsque je visite une ville, j'ai deux repères incontournables : la bibliothèque et la pâtisserie. Quand Xavier Bertrand était ministre, j'ai entendu dire (mais est-ce vrai ?) qu'il avait supprimé le dessert aux tables de son ministère, pour des raisons de diététique. Encore un désaccord avec lui ! Bien sûr, je reconnais que le dessert est parfaitement inutile dans un repas, qu'on peut facilement s'en passer puisqu'il est un moment de gratuité, de pur plaisir, de grâce culinaire. Mais justement : c'est pour cette raison, pas diététique mais gustative et hédoniste, que je le défends. Le dessert, c'est le meilleur d'un repas ; ce qui vient avant, c'est seulement de l'alimentation.

Je ne serai jamais pâtissier, je me venge en achetant des pâtisseries. Revenir à la maison avec à la main un joli carton ou une pyramide de papier bien ficelée, c'est le bonheur. Vous avez bien noté ? Yvon Berthelot, 1 place de l'Hôtel de Ville à Noyon. Vous m'en direz des nouvelles !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

ça fait plaisir de lire un billet sur les plaisirs gourmands et gourmets de la patisserie.

Malgré que vous n'avez pas réalisé votre rêve, vous arrive t-il de faire un peu de la patisserie ? Même simple, comme la tarte aux pommes, le fondant au chocolat.... ?

Quelle est votre patisserie préférée ?

Emmanuel Mousset a dit…

Non, je ne fais aucune pâtisserie chez moi. C'est une passion perdue sur laquelle je ne reviens pas. C'est aussi une passion professionnelle, pas une passion privée.

Difficile de choisir ma pâtisserie préférée. J'ai un faible pour la crème et le chocolat. En revanche, je sais parfaitement les pâtisseries qui ne m'excitent pas (l'allumette par exemple).

Anonyme a dit…

De toute façon il faut avoir les moyens de manière générale pour se payer un tas de patisseries et encore plus celles que l'on trouve dans les patisseries fines exceptionnelles.. c'est un luxe ..

Emmanuel Mousset a dit…

Non, une pâtisserie, à l'unité, ne coûte pas très chère, beaucoup moins chère en tout cas que bien des produits de consommation courante. Et puis, on ne se paie jamais "un tas de pâtisseries", c'est contraire à l'esprit : une ou deux au maximum par personne. Pâtisserie n'est pas goinfrerie.

Anonyme a dit…

Ce n'est pas une denrée de première nécessité donc forcément un luxe. Ceux qui sont dans la précarité pensent d'abord à s'alimenter, à se remplir le ventre plutôt qu'à manger des patisseries comme vous par plaisir et par gourmandise...

La patisserie n'est pas quelque chose de populaire pour le peuple qui trime. Souvenez-vous, c'était Marie Antoinette qui adorait les patisseries
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Emmanuel Mousset a dit…

Votre définition du luxe est très extensive ! A vous suivre, la grande majorité des Français vivraient dans le luxe. Quant au "peuple qui trime", il s'achète des pâtisseries : pas besoin quand même d'être reine de France pour se payer un éclair au chocolat !