mardi 10 juillet 2012

Les Tziganes font "chier" ?



En relisant la presse départementale des trois dernières semaines de mon absence, ce qui a retenu mon attention ne sont pas les articles consacrés aux élections législatives mais aux manifestations contre le rassemblement évangélique d'août sur le site de Couvron. Le 27 juin, devant la préfecture de Laon, des rouleaux de papier hygiénique ont été lancés, une pancarte demandait à ce que Vivaise ne soit pas confondu avec WC ! L'Union du lendemain rapporte un slogan des manifestants : "Ils veulent nous faire chier, on va leur donner du PQ !" Le 26 juin, c'est trente maires concernés qui exprimaient leur colère, et le 30 juin nouvelle manif avec en tête le maire de Laon, le président du Conseil général et le député, élus de droite et de gauche confondus.

Même si j'ai le peuple et les représentants du peuple contre moi, je suis consterné. Outre les allusions scatologiques, je ne sens pas (c'est le cas de le dire !) ce mouvement de protestation. "Tout le monde respecte les gens du voyage. Mais ils ne vivent pas comme nous", se justifie Joël Louveau, maire-adjoint, au Courrier Picard du 1er juillet. Remi Simphal, maire de Vivaise, dans L'Union du 25 juin, est plus explicite : en 2009, dans le même rassemblement évangélique, "nous avons vu arriver des personnes qui ne respectaient rien et qui effrayaient la population". Pas très chrétien pour des évangélistes ...

A partir de ces propos d'élus, les récriminations rapportées par la presse se multiplient, autour de deux préoccupations : l'insécurité et l'insalubrité. Des Tziganes rôderaient dans les maisons, menaceraient les personnes âgées, voleraient, saloperaient les champs en laissant des rouleaux de papier hygiénique (encore eux !). Des gens restent terrés chez eux, des femmes sont en pleurs, la population vit un vrai "cauchemar" (je n'invente rien, tout ça est dans les journaux). Et puis, il y a le bruit des hélicoptères qui incommode (comme dans une scène de guerre ...), les risques sanitaires sur la production de légumes, la remise en cause du projet Palmer (un circuit automobile sur la base de Couvron, 250 emplois soi-disant menacés), le coût de remise en état du site (voirie et éclairage public). Bref, les Tziganes ne viennent plus annoncer la Bonne Nouvelle des Evangiles mais carrément le livre de l'Apocalypse !

Il faut dire que les chiffres qui défilent impressionnent : 30 000 participants, 9 000 caravanes, 15 jours de résidence. Pour augmenter la peur, il y a ce départ, au 1er juillet, des militaires de la base de Couvron. Quand l'armée est là, au moins les citoyens se sentent-ils rassurés ? Pas vraiment, puisque sa présence en 2009 n'avait pas empêché le "cauchemar". Les manifestants anti-rassemblement réclament la "solidarité nationale", à laquelle ils donnent une définition très particulière : les Tziganes, oui, mais pas chez nous, ailleurs ! Comme si Couvron avait déjà assez donné ...

Le maire de Laon et le président du Conseil général de l'Aisne avancent de concert un argument : "L'Aisne n'a pas vocation à devenir la terre d'accueil de toutes les manifestations de masse", qui fait étrangement écho à la déclaration attribuée il y a vingt ans à Michel Rocard : "La France n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde", à quoi le Premier ministre d'alors ajoutait : "mais elle doit y prendre sa part". Les Tziganes ne sont pas la misère du monde, et je me demande si ce genre d'événement ne serait pas économiquement profitable à notre département ? Ces 30 000 personnes, l'équivalent d'une ville moyenne, ne sont pas des extra-terrestres : ils s'alimentent, achètent, consomment, font marcher le commerce environnant. Alors ?

Mais l'insécurité, la délinquance ? Entre vérité, exagération et fantasmes de peur, la raison a du mal à l'emporter. Je laisse la parole à un homme raisonnable, Pierre Bayle, préfet de l'Aisne, dans L'Union du 21 juin : "Lors du premier rassemblement, en 2009, nous n'avons constaté aucune hausse de la délinquance sur le département. C'est même l'inverse, sans doute parce que la présence des forces de l'ordre était accrue" (un escadron de gendarmerie). Le préfet précise que sur le site de Couvron une dizaine de faits de délinquance au maximum ont été signalés, ce qui est relativement peu pour une telle concentration de population. Il confirme que le projet Palmer n'est absolument pas inquiété.

D'autre part, le préfet rappelle que ce rassemblement est religieux, pacifique et non festif. Pas de drogue, pas d'alcool, pas de violence : des prières, des baptêmes, des messes. La communauté tzigane dispose de son propre service d'ordre, une centaine de personnes. Les organisateurs maîtrisent parfaitement leur manifestation et nettoient le site et ses environs avant de partir. Le pasteur Joseph Charpentier, responsable évangéliste, s'étonne dans le Courrier Picard du 1er juillet : "En 2009, le rassemblement s'était bien déroulé. Nous n'avions eu que de petits débordements. Alors, pourquoi une telle peur de la population ?"

La réponse est sûrement à chercher dans la sociologie des villages, le poids du vote xénophobe, la défense exclusive des intérêts particuliers et les préoccupations électorales. Mais il n'y a pas non plus à désespérer de la raison : la dernière manif anti-rassemblement évangélique tablait sur 1 000 participants, ils n'ont été que 350 dans les rues de Laon. Comme quoi les Tziganes ne font pas "chier" tout le monde ...

10 commentaires:

Théramène a dit…

Je n'ai pas d'avis préconçu sur la question, mais je m'interroge en tant que défenseur de la laïcité (et je ferais de même, quelle que soit la religion concernée) : la collectivité publique doit-elle apporter une contribution financière à hauteur de de 100% à cet "événement religieux" ? Personnellement, ça me choque.

Anonyme a dit…

seul ceux qui sont impactés régulierement par ce rassemblement hors norme sur un terrain non conçu pour ce type de manifestation peuvent s'exprimer sur ce sujet.
c est trop facile de critiquer et de se moquer de citoyens apeurés ou mécontents.
Le fait n est pas contestable, ce type de rassemblement demande de la preparation , des aménagements particuliers et des moyens matériels et humains que les autorités ne fournissent pas.
Les habitants certes peu nombreux mais vivant à proximité de cet événement se sentent simplement abandonnés. ils ont des preuves de ce qu ils subissent. les citoyens parlent ici de délinquances , pas de racisme meme si vous avez raison le ras le bol depuis des années donne un terrain favorable au développement du racismes.
les grands rassemblements evangeliques doivent pouvoir etre accueillis par toutes les communes et non toujours dans une dizaine de lieux en France.
pourquoi le champ de foire à st quentin n est il pas autorisé à ce type de manifestation ? il y a une peur de trouble à l ordre public ?

Emmanuel Mousset a dit…

1- Si la réflexion n'était autorisée qu'à ceux qui vivent un événement, on donnerait son avis sur pas grand chose.

2- Je ne me moque pas, je rapporte des faits et des déclarations.

3- Le champ de foire à Saint-Quentin ne peut pas accueillir 30 000 personnes.

Emmanuel Mousset a dit…

A propos de la laïcité, c'est une bonne question, mais aucun des manifestants, citoyens ou élus, ne la pose parmi ses récriminations, alors que c'est peut-être la seule vraie question.

Anonyme a dit…

Mossieur Mousset,citadin, devrait s'exiler 15 jours dans un des villages limitrophes de Couvron pendant ce rassemblement;il pourrait aussi y séjourner pendant les 3jours de techo ..et seulement ensuite,cette fois en toute connaissance de cause, railler ces pov' pequenots ruraux concernés

Anonyme a dit…

ça se désigne par milice ....

Et comme le préfet vous trouvez ça bien ...

La communauté tzigane dispose de son propre service d'ordre

La république est en grand danger , mais seuls quelques vrais républicains le disent ...

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je suis natif du Berry, je connais bien le monde rural, pas besoin de faire un stage. En l'espèce, ce ne sont pas de "pov' pequenots", comme vous les appelez, mais plutôt des classes moyennes qui tiennent, à juste titre, à leur pavillon, à leurs biens matériels, à un certain confort de vie et à des vacances tranquilles.

2- Un service d'ordre, celui de la CGT par exemple, n'est pas assimilable à une milice.

3- Si la République est mise en danger, c'est par le vote xénophobe FN, pas par les Tziganes.

Anonyme a dit…

11/07/2012 à 12h44 | 1



je précise une chose au journaliste il n'y a pas que Vivaise !!!! les habitants de Couvron, Aulnois, Chery les pouilly et Crépy .....sont tout aussi opposé a un nouveau rassemblement (pas que evangelique faut bien comprendre ca!!!)

un vieux manouche chrétien et républicain a dit…

Entre "Aisne it's open" et "Haine it's open" voici revenu le temps des boucs émissaires. Va-t-on voir refleurir au bord de nos routes, comme dans Lucky-Lucke, des panneaux "étranger passe ton chemin" ou bien encore, comme dans mon enfance, "stationnement interdit aux nomades" ?

Le ralliement de quelques élus socialistes à cette fange est franchement débectante.

Aurelien a dit…

Un jour, les habitants des zones rurales se rendront compte que leur vrai problème, c'est pas qu'il y ait des gens du voyage (ceux que leur Télé ne fait que de discriminer...), mais qu'il y a des vieux cons qui se baladent avec des armes chez eux et qui les sortent pour un rien...

http://www.aisnenouvelle.fr/article/faits-divers-%E2%80%93-justice/il-chasse-les-gens-du-voyage-a-coups-de-fusil