lundi 16 juillet 2012

L'oubli du Vél' d'Hiv ?



C'est aujourd'hui le 70ème anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv. Vél' d'Hiv, ce nom ne renvoie plus au cyclisme mais à la persécution des Juifs. Pourtant, un sondage CSA, qui a suscité beaucoup de commentaires toute cette journée, nous apprend que 60% des 18-24 ans n'ont jamais entendu parler de ce tragique événement. Et si on élargit jusqu'au moins de 35 ans, ce n'est guère mieux.

J'avoue que le résultat de ce sondage me laisse dubitatif. La rengaine contre la jeunesse oublieuse et ignorante ne me convainc pas du tout. C'est une protestation de vieux. Hitler, connais pas, c'était déjà ce qu'on faisait dire à la jeunesse allemande dans les années 60, pour s'en plaindre évidemment. Alors quoi ? Vél d'Hiv, l'expression ne dit peut-être rien ou pas grand-chose à certains, mais je crois que personne, y compris les plus jeunes, ne prétendrait ne pas savoir que les Juifs ont été déportés dans la France de la dernière guerre mondiale. Les dissertations philosophiques de mes élèves, qui ont entre 16 et 18 ans, se réfèrent fréquemment à cette période de l'histoire et au génocide. Il faut donc relativiser la statistique de ce sondage et le pessimisme qu'elle génère.

Je suis également irrité par les critiques qui en profitent pour mettre en cause l'Education nationale et l'enseignement de l'histoire : comme si on n'apprenait plus rien dans nos écoles ! La Shoah est bien évidemment au programme, en particulier la responsabilité française et la rafle du Vél d'Hiv, qui sont traitées dans les cours et les manuels. Mais retient-on nécessairement tout ce que l'école nous enseigne ? La vraie question est plutôt celle-là. Les disciplines sont nombreuses, chacune copieuse : normal qu'on ne se souvienne pas, et pas si dramatique que ça. Ce qui est oublié n'est pas perdu : les circonstances font que le savoir revient en mémoire, remonte à la surface de l'esprit quand il le faut.

Et puis, la rafle du Vél d'Hiv n'a jamais fait autant parler d'elle que ces vingt dernières années. Quand j'étais lycéen, dans les années 70, l'événement était moins connu, moins évoqué (d'autres, en matière de persécution des Juifs, semblaient plus marquant). Reportages à la télévision, articles de presse, commémorations officielles, parfois des polémiques et même un film grand public, on ne peut pas dire que la mémoire collective n'ait pas été sollicitée. N'accablons donc pas l'école, l'Etat, les médias ou je-ne-sais-qui. A l'époque d'Internet, chacun est apte à s'informer. Il n'y a plus d'excuses à l'ignorance.

Où est le problème ? Il y a tellement d'informations qui circulent dans notre société que les gens en sont saturés, gavés, saoulés comme disent les jeunes. Je constate régulièrement autour de moi les confusions, les approximations qui en résultent. Parallèlement, la notion de devoir de mémoire est devenue crispante : on redoute qu'un Alzheimer collectif ne nous frappe. Tout ça est anxiogène, exagéré. Il faut cesser d'avoir peur de soi-même. La République est solidement installée, le passé est globalement assumé et signifiant, nous savons tous ce que nous ne voulons plus revoir, ce que nous condamnons. C'est pourquoi nous irons gravement et calmement commémorer la rafle du Vél d'Hiv, ce dimanche à Saint-Quentin, devant le Monument du Ghetto de Varsovie, près de la gare, à 10h30.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

combien de temps dure (environ) la conférence débat sur Pascal qui aura lieu demain ?
Cordialement.

Emmanuel Mousset a dit…

45 à 60 minutes de conférence, 30 minutes de questions et de débat. Pas plus d'une heure trente en tout. Mais chacun est libre de partir et de venir quand il veut.