lundi 9 juillet 2012

Robinson sans mobile



Vous faites peut-être partie des 26 millions de paumés qui n'ont pas pu utiliser leur téléphone mobile, vendredi dernier, pendant plusieurs heures. Orange s'enquiquine à vouloir indemniser les malheureux, ce qui est compliqué. Mais c'est le contraire : il faudrait remercier l'entreprise pour cette gigantesque panne ! Elle a libéré d'une terrible addiction, elle a fait oeuvre de salubrité publique.

Voyons la vérité en face : échanges de sms, consultations d'Internet, appels téléphoniques n'ont souvent que des motifs saugrenus, des raisons superficielles, un usage stupide, y compris dans le cadre professionnel. La part réservée aux prévisions météorologiques, résultats sportifs, histoires de cul, blagues pas drôles et rumeurs infondées est statistiquement énorme. Le téléphone mobile n'a pas rendu l'humanité plus intelligente ni plus vertueuse.

Pourtant, le mobile nous est devenu indispensable socialement. Dans les réunions, pour rompre l'ennui, pour distraire notre attention, pour supporter la situation, il est fréquent de le grattouiller. Ceux qui veulent passer pour des gens importants, qu'on appelle et qui ont besoin d'appeler, doivent se montrer en train de pianoter frénétiquement sur leur mobile, même en faisant semblant.

Par conséquent, le mobile doit aussi se comprendre comme raison d'être, moyen de survie, but de l'existence sans lequel on est perdu, désemparé. Toute civilisation a besoin de mobiles pour perdurer ; la nôtre, c'est la haute technologie, comme autrefois c'était la religion. Il en résulte une grande dépendance à l'égard de la société. Jamais les individus n'ont été autant assistés, d'où leur mépris pour l'assistanat, dont ils se sentent les victimes sans oser le reconnaître. Robinson Crusoë n'est plus possible : il crèverait très vite, de désespoir ou de folie.

Les sociétés modernes sont très fragiles. Prises dans tout un tas de réseaux électroniques, elles disjonctent à la moindre panne. Une bande à Bonnot d'anarchistes technophobes pourrait facilement les déstabiliser. D'ailleurs, la notion de "panne" est constitutive de la technologie contemporaine, peut-être même de la technique depuis toujours, dont la limite est de tomber régulièrement en panne, de bugger comme on dit, pour ne pas prononcer le mot et pour exorciser la chose. Moi-même, je devrais accéder à plus de sagesse, ne pas m'acharner à rédiger ce blog, ne pas rendre dépendants certains lecteurs ni en traumatiser d'autres. Ce n'est pas bien.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bon sujet d'épreuve de philo au bac
"est-il possible de vivre dans téléphone portable?";vous avez 4 heures

Emmanuel Mousset a dit…

Allo ?