dimanche 6 mai 2012

Une victoire normale.



François Hollande est donc, comme prévu, le nouveau président de la République. Je l'avais annoncé sur ce blog il y a quelque temps déjà. C'est la moins surprenante des victoires présidentielles. C'est le contraire qui aurait été stupéfiant. Après cinq ans de sarkozysme, les Français ont voulu tourner la page. Non pas que le pays ait basculé à droite, je n'y crois pas, les valeurs conservatrices demeurent prégnantes. Mais la France a rejeté une forme d'hystérisation de la vie politique qui ne correspondait pas à notre tradition nationale, même si, cinq ans auparavant, la séduction avait fonctionné. C'est toujours ainsi avec toute séduction : ça ne marche qu'au début, le charme finit par s'éventer à la longue.

Dans cette soirée, le moment de joie le plus important pour moi n'aura duré que que deux ou trois secondes, à 20h00 pile devant ma télé, l'annonce du résultat, le nom de l'heureux élu. Finalement, c'est comme l'amour : beaucoup d'excitation avant, beaucoup de détente après et quelques secondes d'orgasme seulement.

J'entends parler de victoire historique. Non, la seule digne de ce nom pour la gauche dans la France contemporaine, c'est mai 1981, que j'ai vécue et qui était très différent de ce qui se passe ce soir : à l'époque, nous sortions d'un quart de siècle de gouvernement de droite, l'arrivée de la gauche au pouvoir était fortement dramatisée. Aujourd'hui, nous assistons à une victoire à l'image de son vainqueur : victoire normale d'un candidat normal, et c'est très bien comme ça. Historique rime trop souvent avec hystérique. Ce soir, c'est la démocratie qui gagne : après dix ans de droite, les Français ont fait fonctionner tranquillement l'alternance à gauche, ni plus ni moins.

Je fais quoi ce soir ? Rien du tout, rien de spécial, je reste normal. A Fervaques, j'ai vu des communistes applaudir un social-démocrate et des militants UMP m'adresser leurs félicitations alors que je n'y suis pour rien dans ce qui se passe. Les gens sont bizarres, pas normaux dans ce genre de circonstances. Une victoire politique, ce n'est pas le résultat d'un match de foot, où l'on s'enthousiasme pour les vainqueurs et où l'on siffle les vaincus. Non, je me fais une image plus digne, plus décente, plus retenue de la victoire électorale : c'est la décision du peuple, la volonté du suffrage universel, quelque chose qu'on ne peut pas réduire à la victoire d'un parti contre un autre.

Il faut ce soir que les socialistes n'aient pas la victoire arrogante, et j'ai été impressionné par la gravité et la maîtrise des représentants du PS sur les plateaux de télévision, qui ne se sont pas laissés aller à une exubérance déplacée. La victoire est toujours facile à vivre ; c'est dans la défaite qu'on est grand, qu'on mesure les tempéraments. Ce soir, il faut respecter chacun dans ses choix, ne pas monter une France contre une autre, ne pas rabaisser l'adversaire, simplement et modestement se satisfaire que notre pays, pour cinq ans, puisse entreprendre les changements attendus dans le sens de la justice sociale. Avoir aussi conscience qu'il n'y aura pas d'état de grâce, à la différence de 1981, se dire que les difficultés de la France sont grandes et qu'il faudra du temps pour les surmonter.

Avant de vous quitter, je veux vous raconter une petite histoire qui a toujours été pour moi un modèle de comportement en situation de victoire : en 1988, François Mitterrand redevient président avec un score qu'un socialiste n'est pas près de retrouver (54%). Dans l'hélicoptère qui le ramène à l'Elysée, son beau-frère Roger Hanin se risque à lui proposer d'ouvrir une bouteille de champagne. Mitterrand, avec la moue qu'on lui connaît, décline et dit se contenter d' "un verre d'eau à température ambiante". Génial, non ? C'est ce que je vais prendre avant de rejoindre mon lit, dès maintenant, un verre d'eau à température ambiante. N'est-il pas vrai que l'avenir appartient à ceux qui se couchent tôt ?





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