vendredi 4 mai 2012

Transgression et sacrilège.



Le choix de François Bayrou en faveur de François Hollande est stupéfiant à bien des égards. La prudence et la décence invitent bien sûr la gauche à ne pas se réjouir ostensiblement de ce ralliement. Mais sa portée aura des conséquences très importantes dans l'inévitable recomposition du paysage politique qui suivra l'élection présidentielle, comme chaque scrutin de ce type l'a montré.

D'abord, en bonne logique centriste, on aurait pu penser que François Bayrou resterait à équidistance de la gauche et de la droite, d'autant qu'il n'a pas été tendre durant sa campagne à l'égard du candidat et du programme socialistes. En 2007, il avait manifesté son refus de Nicolas Sarkozy sans cependant rejoindre Ségolène Royal, dévoilant après coup qu'il avait voté blanc. Qu'il ne réédite pas ce positionnement est révélateur de la puissance de la dynamique engendrée par François Hollande, qui déborde largement les frontières traditionnelles de la gauche.

Le fait que le vote de François Bayrou soit donné "à titre personnel" sans déboucher sur une consigne de vote ne change strictement rien au fond et à sa lecture politique : rien n'est "personnel" dans l'activité publique, Bayrou vient bel et bien de choisir la gauche contre la droite et c'est un évènement d'ampleur, quasiment historique. En effet, il faut remonter très loin dans notre histoire politique pour assister à une telle décision. On pense à Jean Lecanuet en 1965, ce qui n'est pas tout à fait équivalent : le centriste de l'époque avait demandé de battre de Gaulle sans dire explicitement qu'il votait Mitterrand. Quoi qu'il en soit, c'est du jamais vu depuis 45 ans. Et ce n'est pas rien, Bayrou s'étant constitué depuis dix ans un électorat, occupant une place non négligeable, le centre, dans la vie politique française.

Qu'est-ce qui a pu déterminer ce choix si peu évident, si peu conforme à la tradition centriste, dont l'électorat de centre droit n'a pas spontanément de sympathie à l'égard
d'un socialiste ? C'est d'abord la ligne social-démocrate de François Hollande qui a fait tomber les réticences. Lionel Jospin en 2002 était encore dans une logique de "gauche plurielle", Ségolène Royal affichait un comportement trop atypique et incertain pour un centriste. Avec Hollande, l'orientation social-démocrate est claire, incontestable. Une organisation de centre droit, le MoDem, peut parfaitement s'accommoder d'une politique de centre gauche.

Ensuite, il y a la fermeté de François Hollande à l'égard du Front de gauche, pas si évidente que ça il y a quelques mois : pas de négociation, pas de compromis entre les deux tours, c'était à prendre ou à laisser. Jean-Luc Mélenchon l'a dans un premier temps trouvé un peu raide puis l'a forcément accepté. Dans ce refus très net de dealer avec sa gauche, Hollande ne pouvait que rassurer sur sa droite et s'attirer ses faveurs.

Enfin, la droitisation de Nicolas Sarkozy, ses efforts pour récupérer les voix de l'extrême droite ont définitivement fermé la porte aux centristes. C'est d'ailleurs l'explication officielle présentée hier par François Bayrou, mais les précédentes me semblent tout aussi importantes. Que son électorat suive ou pas n'est pas la question : comme en amour, c'est le geste qui compte. Bayrou a fait plus que prendre position, il a brisé un tabou qui interdisait depuis près d'un demi-siècle à un parti centriste d'opter au second tour pour la gauche, contre la droite. C'est plus qu'un évènement, c'est une transgression qui aura des effets sur le quinquennat qui s'annonce. Pour le social-démocrate que je suis, c'est une étape historique, c'est une grande satisfaction dont on ne mesure pas encore très bien l'impact aujourd'hui et pour les prochaines échéances électorales, notamment locales.

Je ne peux pas m'empêcher, pour terminer, de penser à Saint-Quentin et à son MoDem. Stéphane Monnoyer sera sûrement heureux et votera probablement lui aussi Hollande, en toute cohérence. Mais Paul Gironde ? Restera-t-il "injoignable" pour la presse, les problèmes de téléphonie mobile étant décidément nombreux chez certains responsables politiques de notre ville, qui n'est pourtant pas en zone blanche ? Va-t-il à son tour commettre la transgression, qui dans la ville de Xavier Bertrand prendrait carrément des allures de sacrilège ? J'ai du mal à l'imaginer. Même un vote blanc aurait chez le sage Paul Gironde quelque chose de révolutionnaire. Mais allez savoir jusqu'où peut aller la dynamique du changement, y compris à Saint-Quentin !

















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