mardi 8 mai 2012

La bise et le samouraï.



Je crois fermement à la supériorité de l'écrit sur l'image. Par exemple, j'ai posté en début d'après-midi des photos sur les cérémonies du 8 mai à Saint-Quentin, mais qu'en avez-vous appris ? Il n'y a que les mots qui peuvent traduire une ambiance, rapporter des faits intéressants, des anecdotes révélatrices. Il faut donc que je vous raconte ce que j'ai retenu, ce qui m'a marqué de ce 8 mai. La grande interrogation qui traversait tout le défilé était de savoir comment les uns et les autres allaient se comporter, ce qu'ils allaient dire moins de quarante-huit heures après la victoire socialiste. Allaient-ils en parler ? Finalement, il n'en a pas été question, du moins publiquement. Cependant, quelques signes politiques étaient notables :

D'abord, boulevard Gambetta, devant le monument de la Résistance, il y a eu une bise, et pas n'importe laquelle : entre Corinne Bécourt et Guy Fontaine, c'est-à-dire la communiste dissidente et le communiste officiel, tous les deux candidats aux prochaines élections législatives. En politique, tout compte, et les petits gestes sont souvent plus importants que les grandes déclarations. S'embrasser ce n'est pas anodin, c'est qu'on ne se détestent pas complètement (même Judas n'éprouvait pas de haine totale envers le Christ). Les camarades concurrents ne sont donc pas ennemis, c'est toujours ça de gagné dans l'intérêt de la gauche. Bien sûr, je ne fais de cette bise aucune déduction hâtive. Moi-même, qui suis social-démocrate, je prends plaisir à embrasser Corinne, communiste hard, sans que j'y mette un sens politique. Restons par conséquent prudents dans nos interprétations.

Dans la salle des mariages de l'hôtel de ville, le maire Xavier Bertrand a rendu hommage à Christian Huguet, à l'occasion de la remise de sa Légion d'honneur. Le sénateur Pierre André, bon pied bon oeil, était présent, dans un espace tellement rempli que la pièce du rez-de-chaussée avait été ouverte au public et les discours retransmis. Quand un politique parle, quand c'est Bertrand, il faut être attentif, c'est là, en cette période de campagne des législatives, que quelque chose peut se passer. Mais non, rien ou presque, une petite évocation quand même aux "esprits chagrins qui se reconnaîtront", ceux qui reprochent, selon lui, au ministre de la Santé de privilégier l'hôpital de Saint-Quentin. La même allusion avait été faite lors des voeux au centre hospitalier en début d'année, devant Anne Ferreira implicitement visée.

De Christian Huguet, Xavier Bertrand a salué le médecin, l'élu, le militaire de réserve et le citoyen engagé, en dépeignant un personnage hors-norme, "inclassable mais qui sait où il habite". Je vous traduis (je me demande si je ne vais pas me faire bertrandnologue) : Huguet n'est pas adhérent à l'UMP mais néanmoins de droite. Pourtant, en écoutant celui-ci rappeler les grandes étapes de sa vie, je me dis qu'il aurait pu être de gauche. Car il y a du rebelle en lui. Ce médecin n'est pas si classique que ça puisqu'il s'intéresse aux médecines traditionnelles chinoises, pour lesquelles l'ordre des médecins n'éprouve pas une tendresse particulière.

Pendant ses études, il a croisé Kouchner et les french doctors, a participé au mouvement de la médecine humanitaire, de nature progressiste. Je crois même entrevoir une forme de spiritualité chez lui : il aime à dire qu'il est né la même année que le dalaï lama, qu'il a rencontré, il est adepte des arts martiaux, jusqu'à recevoir un diplôme japonais qui le rapproche des samouraïs (!). Le moment le plus émouvant, c'est quand le maire a évoqué ses parents et que Christian Huguet s'est frotté alors le front de son pouce, comme pour éviter d'être submergé par l'émotion.

Pour ma part, j'ai deux souvenirs personnels à propos du docteur Huguet : en 2004, alors que j'étais candidat aux élections cantonales et que je collais mes affiches, Christian Huguet aux commandes de son quatre-quatre attendait au coin de la rue que je termine mon travail pour faire le sien ... sur le mien, soutenant lui Jérôme Lavrilleux ! En 2009, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Charles Darwin, savant tout de même progressiste, nous avons fait ensemble, à deux voix, une conférence sur le grand biologiste à la Maison de la Nature.

Pendant cette cérémonie dans la salle des mariages, un personnage a tout observé, dominant l'assistance, placé en haut de la porte menant à la salle du conseil municipal : Nicolas Sarkozy, la photo officielle du président de la République, pour quelques jours encore présent.

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