lundi 28 mai 2012

La vie à 92 ans.



Maurice Dutel, à la suite de la publication des Saint-Quentinois sont formidables dont il est un des personnages, souhaitait me rencontrer. On s'est vu chez lui vendredi, autour d'une bouteille de porto étiquetée à son nom. C'est sa boisson préférée. Dans une rencontre avec le colonel le plus célèbre de Saint-Quentin, il est très difficile d'en placer une : j'ai eu droit à la bataille d'Alger et à la chute de Dièn-Bièn-Phu. A part ça, inutile de discuter politique : Dutel est de droite, je suis de gauche, ça ne sert à rien de chercher à se convaincre mutuellement. Il déteste les socialistes depuis qu'ils se sont alliés il y a quarante ans aux communistes !

Non, ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment on vit, ce qui se passe dans la tête quand on a 92 ans, un âge que j'atteindrai si tout va bien dans quarante ans exactement. J'ai encore de la marge mais je m'y prépare. On a plus envie de rien, me dit-il, mais on fait encore quelques projets. Pour entretenir l'esprit, il y a les mots croisés. La vieillesse est-elle un naufrage, comme le pensait de Gaulle ? Pas chez Dutel, d'une forme physique étonnante, d'une excellente mémoire. Aucun doute, l'armée ça conserve ... Il se marre : officier sans avoir fait une école militaire, enseignant sans être passé par l'université, commandant des paras affecté au milieu des gauchistes du lycée Henri-Martin ! La clé pour comprendre cet homme : la fidélité à ses origines, fils d'un ouvrier agricole. Dutel est de droite et bien à droite mais pas bourgeois.

Et Dieu dans tout ça ? J'ai fait mon Jacques Chancel. Dutel lit chaque jour l'Evangile mais ne croit pas trop en une vie après la mort, qu'il ne craint pas plus que les "Viets" dont il a été prisonnier. Il trouve dans la Bible une forme de paix, lui qui paradoxalement a horreur de la guerre. C'est donc ça, la vie à 92 ans ? Pas si mal quand on s'appelle Maurice Dutel. Il m'a rempli un dernier verre de porto avant qu'on ne se quittent. "Salut Mousset", à quoi j'ai répondu par "Au revoir mon colonel". Sacré Dutel !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je tombe par hasard sur ce texte qui parle de mon grand père!
Eh oui, je suis une DUTEL aussi.

Bravo pour vos propos, je le retrouve dans ce texte