dimanche 20 mai 2012

Minuit à St-Quentin.



C'était hier la Nuit des Musées, à Saint-Quentin comme partout ailleurs. Avant minuit, je suis allé au musée Antoine-Lécuyer, après minuit à la basilique. Dans le premier, son conservateur Hervé Cabezas était surexcité, allant et venant, passant du sous-sol à l'étage, courant plutôt que marchant, semblant parfois voler à travers la galerie. Etait-ce dû à la charge d'électricité provoquée par l'orage naissant ? Peut-être, mais surtout de recevoir à une heure tardive autant de monde pour partager un même amour, celui de l'art.

D'ailleurs, le musée ne ressemblait plus à un musée mais à un hall de gare où n'arriverait aucun train : du passage et du bruit, pas pénibles, au contraire agréables, le mouvement et le bruissement de ceux qui vont d'une oeuvre à une autre, qui ne se contentent pas de les regarder mais qui en parlent. Pour ça, des "guides d'un soir" attendaient devant quelques tableaux pour les commenter savamment, des élèves du lycée Saint-Jean vêtus sagement comme des élèves de Saint-Jean, look classique et soigné, élocution impeccable. Le public autour d'eux était en partie composé de leur famille admirative.

Au l'entrée, Pomme et Luc Legrand, un peu crevés par plusieurs heures de présence, proposaient aux nombreux enfants de devenir à leur tour des artistes par une technique de gaufrage sous presse à laquelle je n'ai rien compris (c'est normal, je ne comprends jamais rien à la technique). Mais les enfants visiblement oui puisqu'ils étaient ravis et empressés. Annette Poulet, les yeux mi-clos, guidait à travers les pièces un groupe pour la visite. Ce n'est pas qu'elle dormait déjà à l'heure qu'il était, c'est son air, comme moi je donne souvent l'impression d'être triste et fatigué alors que je pète la forme et suis plutôt joyeux. C'est tout de même rassurant de ne pas se voir seul victime des apparences.

A mon heure de passage, Pascale Gruny, Stéphane Lepoudère et Marie-Laurence Maître étaient présents. Un ami m'a murmuré que "XB" était là vers 21h00. Pourquoi beaucoup dans cette ville appellent-ils Xavier Bertrand "XB" ? Est-ce qu'on appelle Pierre André "PA" ou Anne Ferreira "AF" ? Si on le faisait, on sent que quelque chose n'irait pas, que ça ne passerait pas. Mais pourquoi ?

J'ai beau avoir visité le musée Antoine-Lécuyer de nombreuses fois, j'y découvre toujours quelque chose de nouveau même quand rien n'a changé. Hier soir, c'était une assiette décorée en son fond par la scène de la Crucifixion. Manger sa soupe ou couper sa viande et voir apparaître la douleur de Jésus et des deux larrons : je me suis demandé si la profanation, le blasphème n'étaient pas beaucoup plus ici que dans telle pièce de théâtre qui scandalise les catholiques intégristes ...

Et puisque nous parlons religion, je me suis rendu ensuite à la basilique, dont l'intérieur était tellement rempli de petites bougies (pas les traditionnels cierges) qu'on aurait dit un temple hindou. Qui est le maître des lieux ? A Antoine-Lécuyer, c'est Cabezas ; mais dans le plus gros édifice de Saint-Quentin ? Je ne sais pas si son curé est Michel de Hédouville ou Bernard Delaire, tellement celui-ci veille à cette église autant que son pasteur attitré, qui nous a officiellement reçus en précisant, nonobstant la Nuit des Musées, que nous entrions dans un lieu "affecté" (c'est le terme administratif) au culte catholique et pas un musée. Puis la visite a commencé.

Avez-vous remarqué que dans ce genre de situation il y a toujours quelqu'un parmi le public qui se croit plus malin que le guide ? Au moment de traverser la crypte, une dame à qui personne ne demandait rien s'est crue autorisée de préciser que saint Cassien, auprès de saint Quentin, était le patron des enseignants. Je me serais presque signé et mis à prier, sauf qu'il me semble bien que le saint patron de mon auguste corporation est saint Jean-Baptiste de La Salle et pas saint Cassien. La Salle, Cassien, est-ce que la vague proximité syllabique expliquerait le lapsus ? Je n'en sais rien mais une basilique devrait inspirer au silence plutôt qu'au bavardage ...

La soirée s'est magnifiquement terminée dans le jardin, devant les vitraux inhabituellement illuminés de l'intérieur, d'une exceptionnelle beauté, sous un ciel d'orage chargé d'éclairs. L'ambiance était gothique à souhait, il ne manquait plus que quelques revenants, dans la nuit de Saint-Quentin.


PS : mardi prochain, Hervé Cabezas fera au musée une conférence sur le musée, de jour cette fois, et sans gaufrage. Ce sera à 18h00 et à ne pas manquer.

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