dimanche 8 avril 2012

Un rêve de Che.

Jean-Luc Mélenchon est en train de réaliser le rêve de Jean-Pierre Chevènement il y a vingt ans. Lorsque celui-ci a quitté le PS pour fonder le MRC, il voulait réaliser l'impossible : l'existence politique de l'aile gauche socialiste en dehors du parti. Mais comme pour l'église catholique, à l'extérieur point de salut ! Le MRC est resté marginalisé. Il y a dix ans, la candidature du Che, comme on le surnommait alors, a pu faire pendant quelques semaines illusion. Rappelez-vous : on parlait à l'époque, déjà, de troisième homme (ce qui ne veut strictement rien dire). Finalement, Chevènement aura été le quatrième ou le cinquième homme, je ne sais plus, je ne me souviens que de la défaite de Jospin.

Pourquoi Mélenchon est-il en passe de réussir là où Chevènement a échoué ? Trois causes essentielles à cela : d'abord, Jean-Luc Mélenchon a le soutien d'un appareil, le PCF, qui lui apporte son réseau d'élus et de militants. Jean-Pierre Chevènement n'avait que son petit parti pour lui. Si Méluche ne pouvait compter que sur le Parti de gauche qu'il a fondé, il n'aurait pas réussi à déclencher une telle dynamique, ne serait pas parvenu à remplir des salles et des places.

D'autre part, le parti socialiste d'aujourd'hui, avec la candidature de François Hollande, est clairement social-démocrate. Il y a vingt ans, il y a même dix ans, c'était moins évident. Les dissidents socialistes avaient du mal à se distinguer, à faire leur trou. Maintenant, l'identité du socialisme révolutionnaire à la Mélenchon est beaucoup plus claire, tranche nettement sur le socialisme réformiste. A vrai dire, il n'y a plus maintenant d'aile gauche idéologiquement structurée au sein du PS actuel, comme pouvait l'être autrefois le CERES. Il reste des souvenirs, des affinités et des individualités, pas plus. Arnaud Montebourg exprime une forme de radicalité, mais pas au point de constituer une aile gauche vertébrée et assumée.

Enfin, Jean-Pierre Chevènement en son temps a pâti d'un positionnement politique, d'une image médiatique qui ont séduit quelques mois avant l'échéance de 2002, sans tenir leurs promesses. L'idée d'unir les républicains de gauche et de droite (des "deux rives", comme disait le Che), de renvoyer dos-à-dos Chirac et Jospin ("du pareil au même", disait-il aussi) sont trop étrangères à la culture de gauche pour fonctionner. Résultat : Chevènement a échoué. Mélenchon en revanche suscite un enthousiasme, réveille un imaginaire, agite des références qui parlent à l'électorat, qui sont clairement repérables.

Ceci dit, je ne pense pas que Jean-Luc Mélenchon fera le score flatteur qu'on lui prête : il y a de l'exagération médiatique et sondagière dans sa dynamique pourtant bien réelle. Surtout, je pense que sa percée peut parfaitement être sans lendemains, c'est-à-dire très vite retomber, comme on l'a vu avec les écologistes ou même l'extrême gauche. Cette montée électorale est très liée à la présidentialisation du débat. Mais qu'en sera-t-il lors des législatives, pour ne pas parler des municipales ?

L'engouement est en faveur de Mélenchon, pas de son Parti de gauche, encore moins du PCF. Attention aux illusions, fréquentes en politique. Quant à vouloir peser sur le PS, non cette stratégie sera inopérante : la social-démocratie ne bougera pas, elle restera elle-même (le résultat de Montebourg aux primaires n'a rien changé), elle sait que la discipline républicaine jouera à fond en sa faveur au second tour, elle n'a pas besoin d'en faire plus.

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