samedi 28 avril 2012

FJT.



Le foyer des jeunes travailleurs de Chauny m'a invité à venir hier soir faire une petite animation autour de la question "Pourquoi voter ?" que j'ai traitée à la façon d'un café philo : n'imposer aucune idée, amener chacun à réfléchir, favoriser la libre expression des opinions. Je ne me sens pas le droit, encore moins le devoir d'administrer une leçon de morale, même civique. De toute manière, ce genre de méthode ne marche plus, est contre-productive. Bien sûr, je dis ce que je pense, qu'il vaut mieux exercer ses droits que les laisser à d'autres. Mais sans rien imposer, sans prétendre détenir une vérité exclusive.

Il y a une trentaine d'années, j'ai commencé dans la vie professionnelle en étant hébergé dans un FJT. Aujourd'hui, cette structure a bien changé : il n'y a pas que des jeunes et tous n'ont pas un travail. Hier soir, une vingtaine, sur la centaine de résidents, avait choisi de me rencontrer, pendant une heure de débat. Vingt sur cent, c'est une très bonne proportion pour ce type d'activité. J'ai évidemment demandé à chacun de taire ses préférences politiques, rappelant que nous n'étions pas dans un meeting mais une réunion de réflexion pour essayer de comprendre cet acte pas si évident, aucunement naturel qui consiste à se déplacer pour aller mettre un bulletin dans une urne après avoir tiré un petit rideau pour cacher son choix. Avec surtout ce qui précède : s'intéresser à une campagne électorale, écouter les candidats, lire leur profession de foi.

Parmi les intervenants, il y avait ceux pour qui voter va de soi, comme une évidence, parce que la politique est une chose importante, parce que la vie quotidienne en dépend, parce que l'existence humaine ne consiste pas non plus à penser qu'à soi, parce que nous vivons avec d'autres, dans ce qu'on appelle la société. Il y avait ceux qui, au contraire, m'ont dit ne pas aller voter, depuis toujours, parce que ça ne sert à rien, parce que les puissants ne s'occupent pas des "petits", parce que les promesses ne sont jamais tenues. Si je me range du côté des premiers, je comprends aussi parfaitement les seconds. Quand on est comme eux, parfois sans emploi, avec peu d'argent, que l'avenir est depuis longtemps bouché, qu'est-ce qu'on peut encore espérer de la politique, d'une élection ? Si j'étais à leur place, j'aurais peut-être la même réaction ...

A eux tous, dont j'ai respecté chaque opinion, j'ai simplement, à la fin, livré cette réflexion, les laissant libres d'en faire ce qu'ils veulent : depuis que le monde est monde, les puissants ne demandent jamais l'autorisation pour occuper le pouvoir et le conserver. La République soumet ce privilège à la décision du peuple, sans tenir compte de l'avis des puissants. Ce n'est pas rien, c'est exceptionnel, ça ne durera peut-être pas des millénaires : profitons-en. Dès qu'un bout de pouvoir est mis quelque part aux voix, il faut s'en mêler. Même si ce pouvoir était dérisoire, comme désigner quelqu'un pour surveiller à la porte des chiottes (poste qui susciterait j'en suis certain, aussi dérisoire soit-il, des convoitises puisque l'être humain est prêt à se battre pour la moindre parcelle de pouvoir) il faudrait mettre son grain de sel, s'intéresser à cette petite affaire et aller voter. J'espère que je reviendrai prochainement au FJT de Chauny pour débattre d'un nouveau sujet, d'amour, de bonheur, de liberté. Parce qu'il n'y a pas non plus que la politique dans la vie des jeunes travailleurs !

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