mardi 10 avril 2012

L'échec d'une génération.

Marine Le Pen en tête des votes pour la présidentielle chez les 18-24 ans, selon un sondage CSA : incroyable, je n'en reviens pas ! C'est Le Monde qui commente, avec un reportage du vote FN des jeunes à ... Saint-Quentin. Je me souviens d'un slogan il y a quelques années, de je-ne-sais-plus quelle organisation : "La jeunesse emmerde le Front national". Comme on en est loin aujourd'hui ! J'ai vécu une époque où l'extrême droite avait l'image de vieux cons à béret. Il y avait bien quelques fachos au crâne rasée, mais c'était rare et pas à la mode. Les jeunes étaient rebelles, libertaires, révolutionnaires, surtout pas nationalistes. C'est fini.

Qu'est-ce qui s'est passé ? L'échec d'une génération, dont je fais partie, les quinquas antiracistes. Dans les années 80, j'ai bien connu Harlem Désir, j'ai assisté à la naissance de SOS-Racisme et sa petite main. "Touche pas à mon pote", c'était formidable ! Nos mots d'ordre, encore les miens aujourd'hui : droit à la différence et société multiculturelle. Le FN pointait son nez de rat, engrangeait ses premiers succès, mais nous pensions qu'il s'agissait d'un feu de paille, purement protestataire. Raté !

Qu'est-ce que cette génération antiraciste n'a pas réussi ? Constituer un mouvement associatif puissant, antiraciste, progressiste, indépendant. Nous avons été captés par le PS, la politique partisane, les préoccupations électorales, les jeux d'appareil. Pourquoi pas, ce n'est pas déshonorant, mais le terrain associatif a été délaissé. De même, les mouvements d'éducation populaire ont perdu de leur force d'attraction. Il aurait fallu se concentrer là-dessus, bosser dans cette direction. Il y a tout un tissu social qui a été involontairement laissé au Front national.

Et puis, politiquement, dans les années 2000 s'est imposée une idée a posteriori désastreuse : la lutte contre l'extrême droite a été abandonnée ou minorée sous le prétexte qu'elle lui faisait de la pub, qu'elle était contre-productive, qu'elle la renforçait. Avec aussi l'idée qu'il ne fallait pas braquer, culpabiliser, diaboliser les électeurs FN, d'autant que ceux-ci venaient des milieux populaires, exprimaient une forme dévoyée de colère, pouvaient revenir à gauche au second tour.

En réalité, il aurait fallu faire comme Jean-Luc Mélenchon maintenant, mais un peu tard : frapper le FN d'ignominie, l'empêcher de s'installer, de se banaliser, le casser pour l'empêcher de se populariser. On ne gagne jamais en politique à ignorer l'adversaire, surtout lorsque celui-ci est un ennemi. Il nous faudra bien des années, à Saint-Quentin comme ailleurs, pour reconquérir le terrain.

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