lundi 30 avril 2012

Janine Marcos.




Janine Marcos ne sera pas demain matin dans le défilé syndical du premier mai, contrairement à son habitude. Elle nous a quittés samedi, à l'âge de 91 ans. Janine était une femme de gauche, une syndicaliste, une militante associative, toujours présente dans les manifs saint-quentinoises, y compris ces dernières années. Longtemps adhérente à Rencontre Citoy'Aisne, participant au café philo, elle avait été notre invitée le 7 mars 2003, lors d'un dîner-débat où elle était intervenue sur le thème "Luttes d'hier et combats d'aujourd'hui", relatant sa longue et riche expérience.

Je la voyais régulièrement, dans les réunions, les rassemblements, les inaugurations. Elle était très fidèle à ses amis, discrètement, sans souci de notoriété ou de gloire. Ma dernière rencontre avec Janine date du 10 mars, au palais de Fervaques, où elle avait été mise à l'honneur dans le cadre de l'exposition "Femmes d'ici et d'ailleurs". D'une humeur toujours égale quoique se déplaçant de plus en plus difficilement, nous avions échangé quelques mots qui suffisaient à nous comprendre, elle et moi ayant en commun le peu de goût pour le bavardage et l'épanchement. Elle me disait "Emmanuel" comme si elle me connaissait depuis toujours, et moi "Janine" comme si nous étions intimes, ce que nous étions mais à notre façon, sans avoir à parler et à être démonstratif, sans avoir besoin d'en savoir beaucoup l'un sur l'autre.

Le sourire et le regard de Janine Marcos sont ce que je retiendrai surtout d'elle, parce qu'ils constituaient toute sa personnalité, montraient ce qu'elle avait immédiatement de meilleur en elle. Ce sourire et ce regard étaient plein de gaîté et de bonté, ce qui n'est pas si fréquent dans les sourires et les regards que je croise. Elle était fille de batelier, avait eu dix enfants, une vie pas facile, elle était consciente des injustices de ce monde qu'elle ne cessait de dénoncer mais elle avait cette vertu rare de ne jamais se plaindre, de ne pas faire état de ses difficultés personnelles, situation sociale ou santé. Elle avait le militantisme joyeux, optimiste, dépourvu de toute rancoeur, jalousie ou ressentiment. La gauche est belle quand elle est ainsi. Janine était belle.

Il y a une explication à cette mentalité "positive", comme on dit aujourd'hui : Janine avait la foi, appartenait au courant des chrétiens de gauche, encore très vivant à Saint-Quentin, savait ce qu'était l'espérance. Elle se rattachait à une histoire aujourd'hui oubliée, le mouvement populaire des familles (MPF), lancé en septembre 1941, dont l'objectif était la défense matérielle et morale des familles ouvrières. Après guerre, Janine et son époux ont fondé sur Chauny un service d'aides familiales, avec des membres de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne). Les besoins étaient si grands que plusieurs aides familiales ont été embauchées. Des lave-linge, une nouveauté pour l'époque, ont été achetés et mis à disposition dans plusieurs quartiers, afin de soulager les femmes de la corvée qu'est la lessive. Puis, une maison de repos, transformée ensuite en maison de vacances familiales, a été créée à Oulchy-le-Château. Le militantisme de Janine Marcos n'était pas vraiment idéologique mais du quotidien, "concret" et "citoyen", comme on dit aujourd'hui.

Demain, dans le rassemblement du premier mai, à 10h30 devant la Bourse du Travail, quelqu'un nous manquera, c'est certain. En achetant le brin de muguet, nous aurons une pensée pour Janine Marcos. Ses obsèques auront lieu mercredi, à 14h30, en l'église Saint-Martin à Saint-Quentin.


En vignette, Janine au premier plan, bras croisés, en 2004, à Rouvroy, lors de la réunion de soutien à ma candidature aux élections cantonales, en présence de Dominique Strauss-Kahn.


















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