jeudi 19 avril 2012

Le viol de la loi.

Nous vivons dans une société qui depuis une vingtaine d'années conteste systématiquement l'esprit des lois, sinon leur lettre. Par exemple, la notion à la mode de "désobéissance civique" est aberrante, contradictoire. Les décisions de justice sont régulièrement dénigrées, jusqu'à cette épouvantable formule souvent entendue : "La justice n'est pas juste". Nous avons une nouvelle et triste illustration de la corruption de l'opinion publique avec cette incroyable polémique sur la publications des premiers résultats électoraux dimanche prochain.

La loi, la raison, la tradition et le bon sens conjugués veulent que l'affichage public se fasse à 20h00 pile, pas une heure, pas une minute, pas une seconde avant. C'est la loi et c'est une juste et bonne loi : tant que le scrutin n'est pas clos, tant que le dernier citoyen n'a pas voté, rien ne doit venir influencer, pervertir le corps électoral. 20h00 doit rester une heure solennelle, un rite républicain, l'instant sacré où le suffrage universel dévoile ses choix, comme le prêtre lève l'hostie au moment de l'eucharistie.

Ne souriez pas à mes images : à force de tuer les symboles, les citoyens vont finir par ne plus croire en rien, par douter de tout ... sauf d'eux-mêmes. L'individualisme ambiant les conforte dans cette idée narcissiquement délétère. Le journal Libération, en voulant publiant les résultats vers 18h30, s'apprête vraiment à faire une très mauvaise action, une stupide transgression au nom d'une fausse conception de l'égalité : ce n'est pas parce que quelques happy fews ont par métier et par nécessité l'information que tout le monde doit la posséder.

Nous assistons une fois de plus à une confusion entre le public et le privé, le politique et le professionnel. Libé flatte une tendance détestable de notre époque : l'immédiateté, l'urgence, vouloir tout savoir le plus vite possible, en l'occurrence à peine deux heures avant. Et ça sert à quoi ? A rien. Il est sage de maintenir cette limite, de même qu'interdire la publication de tout sondage dès le vendredi soir : les médias doivent alors faire silence, la parole est réservée au seul peuple.

Autre attitude idiote envers la loi : la campagne de l'association Ni putes ni soumises contre l'interdiction du port du pantalon pour les femmes, loi tombée depuis fort longtemps en désuétude, qui n'exige donc pas qu'on s'oppose à elle. Son abrogation ne changerait strictement rien à l'état de nos moeurs qui ont heureusement évolué. Je sens derrière cette gesticulation dérisoire une occasion supplémentaire de moquer et discréditer notre législation, parce qu'on ne la comprend pas, parce qu'on oublie ou feint d'oublier que les lois sont toujours le reflet des mentalités, évoluant avec le temps.

Toutes ces polémiques mettant en cause la loi, aussi ridicules soient-elles, sont inquiétantes : la République c'est l'Etat de droit, qui repose sur la justice et la loi. On peut vouloir transformer celle-ci, c'est même l'objet et la grandeur de l'action politique. Mais il est dangereux, irresponsable, idéologiquement criminel de la transgresser. La loi se respecte ou se change, elle ne se viole pas (si ce terme très fort est utilisé, c'est pour bien marquer la gravité du délit).

Aucun commentaire: