mercredi 4 avril 2012

Soyez clairs !

La politique, comme n'importe quelle activité humaine, exige certaines qualités, ce qu'on appelait autrefois des vertus. Il en faut plusieurs, mais l'une souvent est cardinale, pas toujours la même. Les époques privilégient des vertus différentes. Par exemple, lors de la campagne présidentielle de 2007, la mode était au concret. Le mot était sans cesse employé (il l'est encore un peu aujourd'hui) : il fallait être concret, parler concrètement, proposer des mesures concrètes, évoquer des cas concrets. Nous étions alors en pleine concrétude, pour s'exprimer comme Ségolène. Je n'aime pas cette vertu : la demande de concret n'est que le cache-sexe de l'individualisme.

L'actuelle présidentielle s'est entichée d'une autre vertu, la précision. Les candidats se somment mutuellement, dès la primaire citoyenne du PS, d'être précis, reprochent à l'adversaire son manque de précision. Résultat : les débats sont souvent très techniques, truffés (truqués ?) de chiffres. J'aime aussi peu la précision que le concret, qui ne font pas partie de mes vertus préférées. En politique, je ne vois pas l'intérêt ni l'utilité à être précis. C'est le monde de la technique, de la spécialisation qui réclame une telle vertu, pas cette activité généraliste qu'est la politique.

Au contraire, la précision est un tue-la politique, comme on parle de tue-l'amour. Quand un discours ou un programme sont noyés dans les détails, leur sens et leur finalité échappent aux citoyens, le message devient inaudible et illisible. Les précisions en politique sont purement descriptives, n'apportent rien à la compréhension d'un projet. Le désintérêt des Français pour cette élection, le risque préoccupant d'une abstention massive ne sont sans doute pas étrangers à cette course à la précision proprement insensée.

Je ne vois qu'une vertu essentielle en politique, universelle et éternelle, qui hélas fait trop souvent défaut : la clarté. Quand on s'adresse aux citoyens, dans n'importe quelle activité publique d'ailleurs, il ne faut pas être concret ou précis, c'est très secondaire. Mais être clair c'est indispensable, vital en quelque sorte. En l'absence, il n'y a pas de choix politiques possibles. Un homme politique, en démocratie, doit pouvoir se faire comprendre de tous (ce qui ne signifie pas nécessairement se faire apprécier : la clarté est l'ennemie de la démagogie, qui est embrouillée).

Tenir des propos compliqués, faussement savants, abuser d'un jargon quel qu'il soit, c'est contraire à l'esprit de la République. Je suis souvent irrité par les mots, le style, les références de nos hommes politiques, grands ou petits, qui ont perdu de cette simplicité et de cette efficacité qui font les discours de qualité. Je n'ai qu'un seul mot d'ordre, qu'une unique revendication de style, de rhétorique : soyez clairs !

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