vendredi 31 mars 2017

Une élection en cache une autre



L'élection présidentielle, c'est important. Sa campagne aussi. Mais le prisme médiatique sous laquelle elle se présente à nous est un miroir déformant. Les élections professionnelles dans le secteur privé ne sont pas sous les feux de l'actualité. Mais justement : c'est beaucoup plus intéressant, leur résultat en est d'autant plus sincère, plus révélateur de l'état profond de l'opinion. Et quand il s'agit des salariés les plus motivés, ceux qui participent à ce scrutin, ceux qui sont souvent syndiqués, c'est fondamental pour la gauche.

Eh bien qu'apprend-t-on ? Que la CFDT dépasse désormais la CGT, qu'elle est le premier syndicat de France dans les entreprises. Les commentateurs n'ont pas manqué, à juste raison, de qualifier l'événement d'"historique". Certes, la tendance est ancienne, remonte à une vingtaine d'années. Mais il n'est pas indifférent que son aboutissement se fasse dans le contexte actuel. Qui l'eût cru ? Il y a quelques mois, la CGT mobilisait fortement contre la loi travail, multipliait les manifestations. Philippe Martinez se faisait connaître dans le monde entier comme celui qui pouvait bloquer la France et faire reculer le gouvernement. Poids des discours, choc des images, miroir déformant ! Rien de tout cela n'est arrivé, le pays a continué de vivre, la loi n'a pas été retirée.

La réalité salariale n'est pas qu'on croit. Il faut gratter l'idéologie pour retrouver la vraie vie. Dans leur grande majorité, les salariés sont des réformistes. Ils n'attendent pas que les syndicats soient des machines de guerre contre le pouvoir, ni même contre le patronat : ils veulent des résultats concrets, des gains tangibles, qu'on acquiert à travers la négociation, pas à travers la lutte de classes. La classe ouvrière ne veut pas la révolution, mais la justice sociale. La CGT crie, bouge, descend dans la rue mais n'obtient rien pour les salariés : voilà ce que traduit ce résultat des élections professionnelles.

Ceci dit, la CGT n'est pas finie, loin de là, et ce n'est pas à espérer, au nom du pluralisme syndical. La tradition révolutionnaire (j'emploie les mots d'autrefois, parce que je les crois encore pertinents aujourd'hui) est vivante, persistante, importante. Le vote pour Jean-Luc Mélenchon en est la plus pure expression. Le succès inattendu de Benoit Hamon à la primaire aussi. Mais cette tradition radicale, comme on dit maintenant, a diminué d'une bonne moitié en quarante ans. Inversement, le courant réformiste a considérablement progressé, alors qu'il était autrefois minoritaire. Quand on pense que le terme "social-démocrate", honteux ou ignoré il n'y a pas si longtemps, est devenu d'un usage fréquent. Les élections professionnelles sont aussi des élections politiques.

1 commentaire:

I D a dit…

Les "beaux" jours cégétistes sont derrière nous.
Et ça paraît définitif, en France et par conséquent, je dis bien par conséquent, en Europe pour tout syndicat équivalent à la CGT.
Les causes ?
Elles sont sans doute multiples mais la plus déterminante est que les masses populaires ont eu accès à la propriété.
Maintenant, chez les ouvriers, (les prolétaires comme on disait autrefois) c'est comme naguère chez les paysans, ils ont presque tous un bout de terrain, une bicoque, un appartement, un bungalow de vacances, un bout de parcours de pêche, qu'ils ont presque tous peur de perdre en votant trop à gauche, en s'affichant trop à gauche, tant en politique que dans le syndicalisme. Jamais les paysans qui possédaient un bout de terre n'ont voté à gauche. Seuls les fermiers, les métayers, les salariés agricoles ont voté à gauche avec les communistes d'où le journal très diffusé il y a soixante ans, la "Terre"...
Les syndicats "jaunes" de la fin du XIXème et du début du XXème siècle ont encore de l'avenir devant eux, s'ils veulent bien y penser parce que tout n'est pas joué !
Rien n'est jamais fini, tout est toujours à recommencer.
Qu'un Macron ose sortir un livre portant en son titre le mot "révolution" : tout est dit !
La révolution par le "centre" : on aura tout vu et les pires impostures !
Après l'imposture "Hollande", l'imposture "Macron" : on n'est plus à ça près !