samedi 25 janvier 2014

Unitaire pour deux




Chaque année, je me rends aux voeux de la section de Saint-Quentin du parti communiste français. Etrange pour un social-démocrate ? Non, je me rends bien aux voeux de Xavier Bertrand ! Surtout, j'honore une amitié d'une quinzaine d'années et quelques combats partagés avec Corinne Bécourt, Jean-Luc Tournay et leurs camarades. Malgré les désaccords politiques importants, une forme de sympathie, et d'estime réciproque je crois, nous réunissent. Mais l'essentiel de ma présence est encore ailleurs : je sais d'où je viens et où j'habite ; mon pays, c'est la gauche, et rien de ce qui se passe à gauche dans notre ville ne me laisse indifférent.

A ce sujet, je sais que l'union entre socialistes et communistes, aussi tumultueuse, difficile et contestable soit-elle, reste constitutive de l'identité de la gauche. En revanche, l'extrême gauche trotskiste, lambertiste ou anarchiste ne fait pas partie de notre histoire électorale. Je sais dans quel pays j'habite, mais j'en connais aussi le passé et les frontières, les intérêts et l'avenir.

En la matière, j'ai trois principes, trois vérités supérieures gravées dans le marbre, intangibles, éternelles :

1- Les socialistes et les communistes sont concurrents, rivaux et opposés tant qu'on voudra, mais rien n'empêchera ni ne doit faire oublier qu'ils ont un adversaire commun, et un seul, la droite.

2- A Saint-Quentin sûrement plus que dans beaucoup d'autres villes, les socialistes et les communistes ne peuvent pas gagner séparément, ou les uns contre les autres.

3- Les divergences nationales ne doivent pas gommer les intérêts locaux réciproques.

Attention : je bannis toute forme d'électoralisme, d'arrangements politiciens en vue de se répartir des places. L'union entre socialistes et communistes, je ne la conçois pas comme un rabibochage à l'approche d'un scrutin, mais comme une ligne de fond et de force, qui devrait être pratiquée en permanence, dans le respect de nos différences. C'est ce que j'ai tenté de faire quand j'étais secrétaire de la section socialiste. Corinne Bécourt et Jean-Luc Tournay se souviennent que j'étais à leurs côtés, en son temps, dans la lutte contre les alliances régionales entre la droite et l'extrême droite. Il y a des choses qui ne s'oublient pas.

Aujourd'hui, les communistes saint-quentinois sont loin du PS. Et quand j'ai entendu hier soir Olivier Tournay, tête de liste communiste aux élections municipales, commencer son discours par une critique en règle de la politique gouvernementale, mes oreilles ont sifflé très fort. Mais j'ai connu l'époque, dans les années 70, où le PCF, sous la direction de Georges Marchais, était anti-socialiste et pro-soviétique. Alors, mes oreilles sont habituées ...

Et puisque j'évoque le passé, j'ai toujours gardé en tête cette formule mystérieuse de mon maître en politique, François Mitterrand, à propos de l'union entre socialistes et communistes : "Il faut être unitaire pour deux". C'est ce que j'ai toujours essayé de pratiquer, à mon niveau. A la différence de l'amour, où les deux partenaires doivent être consentants, la politique, qui est une activité bizarre, peut se passer de réciprocité. C'est la force des événements qui commande : il faut avoir le vent en poupe, une chance de l'emporter, des responsabilités à exercer en commun. Demandez-vous pourquoi, dans l'Aisne, les socialistes et les communistes sont divisés à Laon et à Saint-Quentin, et rassemblés à Soissons, et vous comprendrez ce que je veux dire.

De la présentation des voeux du PCF local, il fallait retenir la présence de leur premier secrétaire départemental, Benoît Roger. Les relations entre la section et la fédération ont souvent été aléatoires, tendues, parfois conflictuelles. Il y a incontestablement une normalisation, et un soutien fédéral, donc national, à une ligne politique locale pas toujours en phase avec sa direction ... nationale. En revanche, quelques personnalités saint-quentinoises du Front de gauche étaient absentes. Comme tout le monde en politique, je fais mes petits calculs : qui est là, qui n'est pas là ? Qui se risque à un affichage public, qui s'en abstient ?

Autre fait notable lors de cette soirée : le retour sur le devant de la scène de Michel Barbaux, président du comité de soutien à la liste municipale. Il a été maire-adjoint de Daniel Le Meur, chargé de la jeunesse et de la petite enfance, entre 1988 et 1995. Dans son intervention, il a souligné que son engagement était renforcé par la participation de nombreux jeunes sur la liste et dans la section.

La rencontre a été l'occasion d'inaugurer le local de campagne, qui sera donc le siège du parti, où des permanences seront régulièrement organisées. Le programme municipal sera présenté le 8 février. Comme les albums d'Astérix se terminent par des chansons, les réunions des communistes saint-quentinois se concluent par l'Internationale, debout et poing levé, Corinne Bécourt, le "chef" comme l'appelle parfois Olivier, donnant le signal. Dans la ferveur militante, les moins convaincus pourraient presque se laisser aller à devenir communistes ...

Pour finir, à mon tour de présenter mes voeux à mes camarades communistes : qu'ils réalisent le meilleur score possible les 23 et 30 mars prochains. Car plus le PCF fera un score élevé, plus la gauche dans son ensemble aura des chances de gagner. Je souhaite à Olivier Tournay de redevenir conseiller municipal, parce qu'il le mérite (si la notion de mérite a un sens en politique ...), et pourquoi pas maire-adjoint, dans la perspective d'une victoire de la gauche. Ma plus grande tristesse, après celle d'une nouvelle défaite socialiste, ce serait de voir le FN entrer au Conseil municipal alors que le PCF n'y serait pas. Mais une cérémonie des voeux est là pour exorciser ce genre de cauchemar.


En vignette, de gauche à droite : Olivier Tournay, tête de liste, Aurélien Jan, membre du bureau, chargé de la communication, Jean-Luc Tournay, ancien conseiller régional, Corinne Bécourt, secrétaire de section, Benoît Roger, premier secrétaire fédéral.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Aucune vérité n'est gravée dans le marbre. Jamais et nulle part.

Emmanuel Mousset a dit…

Votre position porte en philosophie un nom : le relativisme. Et en politique un autre nom : l'opportunisme. Je ne mange pas de ce pain.

Anonyme a dit…

Et vous n'avez pas peur qu'un score de 1er tour très élevé du PCF se fasse au détriment du PS et permette au FN d'etre devant le PS ?

Emmanuel Mousset a dit…

Le risque existe. C'est pourquoi j'aurais souhaité une liste d'union de la gauche. Mais en l'état, je crois qu'un score élevé du PCF se fera au détriment du FN, en captant une partie de l'électorat protestataire.

Anonyme a dit…

Pour les européennes ce dernier sondage qui confirme un recul du PS :

Selon ce sondage, les listes du Front National obtiendraient 23% des voix, celle de l'UMP 21% et celles du Parti socialiste et du Parti Radical de Gauche 18%.

et plus en détail ; le cumul des voix de droite y compris les centristes ressort à presque 60 % , bien évidemment les voix de gauche sont vers 40 ...

Il y aura sans doute des surprises dans les prochaines élections !!!

Emmanuel Mousset a dit…

Par définition, une élection est une surprise puisque, en démocratie, nul ne peut anticiper les choix du peuple, en premier lieu les instituts de sondage.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si cette réflexion est philosophique mais dans un environnement en mutation rapide, de nouvelles évolutions sont inévitables, et toute politique gravée dans le marbre est condamnée à devenir obsolète.
Je ne sais pas non plus si le dogmatisme s'oppose au relativisme ou à l'opportunisme;
En tout cas le dogmatisme, je ne mange pas de ce pain là.

Emmanuel Mousset a dit…

Vous m'avez l'air de ne pas savoir grand chose. En revanche, vous savez reprendre mes excellentes formules : ours savant ou perroquet bavard, j'aime ça.