vendredi 10 janvier 2014

La quenelle est cuite



"La République a gagné", a dit très justement Manuel Valls hier soir, après l'interdiction du spectacle de Dieudonné à Nantes. Dans mon langage à moi : "La quenelle est cuite", et je m'en réjouis. Il faut aller plus loin : interdire toutes les représentations, prendre l'argent que ce bouffon antisémite doit à la République après ses multiples condamnations, bannir de la vie publique ce triste et inquiétant personnage. Et si par dessus le marché, on pouvait le mettre au gnouf, j'en serais comblé ! En effet, son caractère nocif est avéré : ce n'est pas un humoriste, c'est un raciste de la pire espèce, à l'influence grandissante, à laquelle il fallait mettre un terme.

Les puceaux de la liberté d'expression vont bien sûr se mettre à bêler. Mais la République n'a pas besoin d'un facho gaucho pour être libre : nous vivons dans une société où l'on peut rire de tout et de n'importe qui, avec ou sans Dieudonné. S'il y en a un dans notre pays qui menace la liberté, c'est lui, ce salaud, qui fait monter le négationniste Faurisson sur scène, titre de gloire à ses yeux, titre d'infamie pour n'importe quel républicain. Oui, Valls a raison, la République hier soir a gagné, tous les républicains ont repris en coeur cette belle formule virile de Saint-Just, que nos puceaux ignorent : "Pas de liberté pour les ennemis de la liberté !"

De même acabit que les puceaux, il y a les cons, qui avancent l'argument suivant, argument à la con, évidemment : en interdisant Dieudonné, on lui fait de la publicité ; en d'autres termes, plus on le combat, plus on le soutient. Il faut vraiment être con pour soutenir ce genre de raisonnement. Ce qui arrangerait Dieudonné, c'est de continuer à faire ses petites affaires et ses grosses saloperies en étant bien tranquille, sans que personne ne vienne le déranger. Là, c'est raté et c'est tant mieux : oui, faisons-lui de la publicité, encore plus, chaque jour, jusqu'à ce qu'il disparaisse de nos vies, montrons que cet homme est antisémite, extrémiste, rappelons quelles sont ses accointances, son idéologie sous-jacente. Les cons appellent ça faire de la publicité, et moi, faire de la pédagogie.

La seule dimension morale dans la piètre existence de Dieudonné, c'est qu'il prend du fric à sa racaille de public, qui ne mérite vraiment pas autre chose. Et mon plaisir a été grand hier de les voir privés de leur dégueulasse spectacle. Dans cette affaire, Manuel Valls s'est grandi, a renforcé son image, a gagné en stature politique. Car son combat n'était pas juridique, mais bel et bien politique : lutter contre l'antisémitisme, le plus pervers, le plus sournois, celui qui dit à peine son nom, qui n'a même pas le courage de s'assumer : Dieudonné me rappelle cette photo où l'on voit Bousquet en train de rire au milieu d'officiers nazis. Ses spectacles libéraient la parole antisémite, leur interdiction va libérer la parole antiraciste. Valls avait une image de droitier, qu'il corrige en luttant contre une figure d'extrême droite. Surtout, et c'est ce que j'apprécie chez lui, il a pris des risques (c'est d'ailleurs la définition de la politique : prendre des risques) : la décision du Conseil d'Etat n'était pas garantie, une certaine gauche trouillarde appelait à la prudence (c'est-à-dire à ne rien faire). Valls a décidé, tranché, agi ... et gagné. Bravo pour lui, pour nous, pour la République !

Cette interdiction doit faire ricochet. Derrière Dieudonné, c'est Le Pen et le FN qu'il faut mettre dans le viseur. On ne peut hélas plus interdire cette organisation xénophobe, pour des raisons politiques et juridiques. Mais il faut montrer, à travers la condamnation de Dieudonné, que c'est la pensée raciste en général, quel que soit son support, son mode d'expression, qui est désormais pénalisée, mise au ban de la société. Nous savions que la quenelle était pourrie ; maintenant elle est cuite.

12 commentaires:

Anonyme a dit…

je suis satisfait du résultat mais choqué par le mode opérationnel de Mr Valls.
comme dans une dictature il saisie le conseil d état 1 mn après une décision de justice, conseil qui délivre son avis 3 heures après ! c est stupéfiant !
l'accusé n'a même pas le temps de préparer sa défense, on claque un avocat d office sorti de nul part.
Alors que tous les Français connaissent les lenteurs de toute les procédures de justices pour des problèmes tout aussi graves.
la justice doit être rendue certes mais nous ne sommes pas une république bananière.
ca fait des années que Dieudonné donne ses spectacles de facho à Paris on avait le temps de réagir moins brutalement.
Perso c est carton jaune pour Valls qui en a fait une affaire personnelle et beaucoup trop médiatique en instaurant un compte à rebours et un suspens entre lui et Dieudonné.

Emmanuel Mousset a dit…

En politique comme dans la vie, il n'y a que le résultat qui compte. Quant à la dictature, on voit que vous n'y avez jamais vécu.

Anonyme a dit…

Regardez le dessin de Plantu dans le journal Le Monde, il résume parfaitement ma pensée.

Emmanuel Mousset a dit…

Est-ce qu'un dessin peut vraiment être une pensée ?

L'Henri Martien a dit…

Vous dîtes que l'on peut rire de tout ? A priori non, les Juifs et la Shoah reste des thèmes soumis à la censure.

Mais qu'en est-il de l'humour sur les Noirs, les beurs, les Roms, les gays, les handicapés, etc...

Avec cette affaire qui ne fera que renforcer les rangs des soutiens à l'humoriste, on voit pas passer le message que la souffrance de la Déportation est plus importante que les autres.

On s'est focalisé sur les Juifs dans les spectacles de Dieudonné. Pourtant ces thèmes ne représentent même pas 15% de la représentation. Mais tous ceux qui le critiquent n'y ont jamais assister. Il faut l'interdire, peut-être, mais en connaissance de causes.

Anonyme a dit…

On est toujours le con de quelqu'un. Dans ce billet je suis le votre. Mais acceptez d'être le mien

Emmanuel Mousset a dit…

Trop facile, et faux : il y a des gens qui sont objectivement cons, et d'autres qui ne le sont pas. Votre relativisme exonère les cons en généralisant abusivement à tous leur connerie. J'accepte donc que vous soyez mon con, mais je refuse à être le vôtre.

Emmanuel Mousset a dit…

Martien,

1- Desproges et d'autres rient des juifs et de la Shoah, sans être antisémites.

2- 15% de blagues antisémites dans le spectacle de Dieudonné, c'est 15% de trop.

3- Il y a des souffrances plus grandes que d'autres, c'est évident : vous ne pouvez pas toutes les mettre sur un même pied d'égalité.

4- Réjouissez-vous : Dieudonné est interdit en parfaite connaissance de cause.

Anonyme a dit…

L'intelligence voudrait que vous regardiez un spectacle complet de L'homme d'origine camerounaise et victime d'un racisme constant de la part de la Ligue de Défense Juive.

De toute manière vous ne semblez guère maitriser le droit. Dieudonné n'est pas interdit. C'est CE spectacle. Il en produit un autre. Qui pourra être joué.

De plus, les grands juristes français (donc pas vous) sont d'accord pour dire que cette décision n'a aucun sens et que Dieudonné triomphera logiquement à la Cour Européenne des droits de l'Homme.

Et ce dans l’intérêt des valeurs de la République. Clemenceau, Blum, Jaurés ne pourrait accepter la censure que vous supportez.

Emmanuel Mousset a dit…

Mon combat n'est pas juridique mais politique. Ce que je constate, c'est que la justice française a condamné Dieudonné pour antisémitisme, et ça me suffit pour m'opposer à lui.

Erwan Blesbois a dit…

Ce qu'on note avant tout chez un élève, c'est la santé. La santé au sens des psychologues, au sens de Nietzsche. L'intelligence est un signe de bonne santé. La bêtise est un signe de mauvaise santé. Même quand on croit juger quelqu'un au nom du bien et du mal, on le juge en réalité du point de vue de la santé. La santé a toujours raison. Souvent on ne sait pas que l'on est en mauvaise santé. C'est par le fait d'avoir été en bonne santé que l'on peut se rendre compte que l'on est malade. Dieudonné par exemple s'en rend-il compte ? On l'attaque au nom du bien et du mal, alors qu'on devrait faire preuve à son égard de compassion, comme à l'égard d'Hitler, difficile toutefois de faire preuve de compassion pour un homme responsable plus ou moins directement de 60 millions de morts. Mais cessons de rêver à de vaines utopie. L'Histoire juge et elle juge durement du point de vue du monde des adultes, à un instant t. Cet instant t n'a rien d'absolu, il est relatif. Il dépend de chaque époque qui est gouverné par des "forts", c'est-à-dire par des gens en grande santé. Mais même la vision du bien et du mal des hommes en bonne santé est relative. Ce qui compte c'est d'appartenir au groupe et d'adhérer aux valeurs qu'il s'est choisi. Dans un régime aristocratique, les valeurs ne sont pas les mêmes que dans un régime démocratique. Le temps de la démocratie nominale ou de l'oligarchie réelle, n'est pas forcément éternel. Il n'est pas dit que l'on puisse faire mieux, ni faire pire. Des gens psychologiquement malades, comme Jésus, peuvent aussi être repris par des forts, pour orienter l'époque vers des millénaires de conception du monde. L'Histoire se nourrit de martyrs, de héros, c'est-à-dire de gens souvent en mauvaise santé, qui ne font pas passer leur volonté de persévérer dans l'existence, avant celle des autres, ou comme un absolu. C'est un signe de bonne santé de s'accrocher à l'existence comme un ténia, comme une moule à son rocher ; mais cela ne fait pas de vous un martyr. Hitler a le profil d'un martyr, bien qu'il soit criminel. Et toute sa gestuelle et son discours sont aujourd'hui repris par certains humoristes ou penseurs complotistes. Preuve que Hitler est toujours vivant, ne serait-ce que dans la gestuelle, dans le geste de la quenelle. Cette survivance est en plus le déclencheur d'un guerre civile larvée. Quelquefois aussi dans les cours de recréation, c'est l'élève malade, d'un point de vue psychologique, qui se retrouve en état de bouc-émissaire, et taxer de ressembler au laid, c'est-à-dire au vaincu c'est-à-dire à Hitler. Quelquefois on a besoin d'un plus petit que soi, pour en faire son petit Hitler intime. Autrement dit tout le monde, et pas seulement les gens en mauvaise santé, est responsable de la propagation de l'hitlérisme. Le problème c'est qu'à l'heure actuelle on sait toujours pas sortir du paradigme hitlérien.

Erwan Blesbois a dit…

Conclusion : c'est un signe de faiblesse de l'époque que nous ne soyons pas sorti du paradigme hitlérien. La censure est la preuve que nous ne sommes pas sorti de ce paradigme. Si nous étions forts, il n'y aurait pas de censure et nous ne ririons non pas des spectacles de Dieudonné, mais du bouffon Dieudonné.