mardi 28 janvier 2014

I'm a cow boy




Depuis l'enfance jusqu'à maintenant, j'ai toujours aimé la mythologie américaine : cow boys et indiens, conquête de l'Ouest, ruée vers l'or, etc. C'est pourquoi je suis allé, samedi après-midi, écouter Benjamin André (en vignette) nous faire une très belle et très érudite conférence sur le western dans la bande-dessinée. Pour une fois, ce n'est pas moi qui tenait le micro !

Le cinéma a précédé le dessin dans l'exploitation de l'Ouest américain. Mais très vite, aux Etats-Unis, la BD s'y est mise, au début du XXe siècle, avec un premier gros succès d'édition, Red Ryder, qui donne le ton : le bon cow boy contre les méchants voleurs de bétail. Suivront King of the Royal Mountain et surtout The Lone Ranger, dans les années 30. A partir de là, les dessinateurs américains vont se détourner des cow boys pour s'intéresser aux super héros, genre Superman.

C'est alors la France et l'Europe qui adoptent l'univers du Far West, dans Tintin en Amérique par exemple (en 1931). Les auteurs reprennent des références continentales pour en quelque sorte "nationaliser" leurs héros : Tom-Mix est appelé le chevalier du Far West, Sitting Bull le Napoléon rouge ! Une évolution se fait jour, qui ira en s'amplifiant : le western humaniste, réaliste et sérieux, qui traite avec respect les indiens, non plus assimilés à des sauvages sanguinaires.

Une autre veine est exploitée après guerre : le western humoristique, avec le célèbre Lucky Luke, dont le meilleur ami est son cheval, et qui se traîne le chien le plus bête de l'Ouest, Rantanplan. Pour détrôner the poor lonesome cow boy, les Tuniques bleues sont lancées : elles parodient les histoires de cavalerie, dénoncent les horreurs de la guerre, tournent en dérision la hiérarchie militaire, adoptent le style gros nez (à la manière d'Achille Talon, Astérix ou Gaston Lagaffe).

Pourtant, malgré la charge burlesque, le western réaliste ne désarme pas : Jerry Spring est un événement dans le monde de la BD. Les années 60 et 70 inaugurent le western violent, où les héros, ou plutôt anti-héros, ont des trognes comme dans les films de Sergio Leone. On reconnait les gueules de Bronson, Eastwood ou Van Cleef. Blueberry, en 1963, perpétue la tradition de John Ford (mais avec une tête de Jean-Paul Belmondo, qui n'a pourtant jamais joué les cow boys !). Il introduit en 1973 la sensualité dans un genre resté très prude, grâce au personnage de Chihuahua Pearl, une sorte de cow girl, aventurière sexy, cigarillos à la Georges Sand aux lèvres.

Le western américain débouche même, chez nous, sur un western anti-américain : c'est la BD Loup noir, publiée dans Pif-Gadget, alors proche du PCF (la politique est décidément partout !). Les années 80 se tournent plutôt vers la science-fiction. Le western dessiné va être relancé avec le personnage de Bouncer, dans les années 90, un videur de saloon, macho, violent et un peu barré. Dans les années 2000, c'est le western humoristique qui fait un retour remarqué avec Gus, trentenaire célibataire, décalé, qui cherche surtout à coucher. Le western sérieux se maintient en grande forme : Texas Exil est un récit original et historique de deux Communards réfugiés dans l'Ouest américain.

Ces dernières années, la BD, qui était née sous l'inspiration du cinéma, s'est faite son inspiratrice, juste retour des choses: Vincent Cassel joue Blueberry, Jean Dujardin Lucky Luke et The Lone Ranger est adapté à l'écran. La boucle est bouclée.

Benjamin nous a gratifié d'une conférence pleine d'humour (obligé, dans le monde de la BD), égayée parfois d'onomatopées, mode d'expression cher au genre. J'ai particulièrement apprécié le bruitage de la charge de la cavalerie, avec sonnerie de trompettes et sabots de chevaux au galop, sur fond de cris d'indiens, le plat de la main frappant à répétitions sur la bouche. J'étais venu avec des questions à poser à notre conférencier : sur Le Cow Boy masqué, une BD que je lisais dans Le Berry républicain, en fin de journal et à la fin des années 60 (le cow boy en question, qui n'a rien à voir avec Zorro, accompagné de son fidèle indien Tonto, serait, d'après Benjamin, une reprise de Red Ryder) ; sur Teddy Ted, un héros, me semble-t-il, de Pif, un blond flanqué d'un brun, tout de noir vêtu et mal rasé, l'outlaw, que Benjamin en revanche ne connaissait pas.

Pour finir et pour prolonger ce billet, je vous invite à vous inscrire à la bibliothèque Guy-de-Maupassant, si ce n'est déjà fait, et à consulter la collection des bandes-dessinées, riche, variée et complète. Et si le coeur vous en dit, allez discuter avec Benjamin, sympathique, passionné et disert, qui sait (presque) tout sur la BD.

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