Votez Pierre André !

Il y a l'événement tel qu'on le vit, et puis les réactions qu'il suscite et que la presse du lendemain publie. L'un de mes exercices préférés, en tant que lecteur, c'est de comparer les deux. Hier soir, j'ai relaté ma perception de la cérémonie des voeux du maire de Saint-Quentin (j'ai presque envie de dire : des maires, le précédent et l'actuel, tant ils ont joué en duo). Ce matin, la presse donne la parole à ses opposants. A la lecture, si j'étais de droite, je n'hésiterais pas une seconde : je présenterais Pierre André en tête de liste ! Ce n'est pas une boutade, c'est sérieux.

D'abord, Xavier Bertrand hésite, c'est visible, c'est normal : entre député ou maire, que choisir ? Député, bien sûr, pour conserver une tribune nationale, indispensable à tout homme politique qui a des ambitions nationales. Mais pourquoi Pierre André à sa place ? Sa santé pose-t-elle problème ? Non, dans son discours d'hier, il était en pleine forme, très lyrique et surtout très applaudi. Son âge alors ? Non, contrairement à ce qu'il prétend (mais c'est pour embêter Michel Garand, tête de liste socialiste), 67 ans est un âge qui n'interdit pas les ambitions politiques.

C'est surtout pour une autre raison que la droite ferait bien de se donner Pierre André comme candidat : grâce à lui, elle est assurée de l'emporter avec au moins 80% des voix ! Pourquoi ? Parce que tout le monde (ou presque) soutient aujourd'hui Pierre André et le bilan de ses trois mandats. Dans L'Aisne Nouvelle, Michel Garand le dit nettement, nuancé d'un léger bémol : "Je suis presque d'accord avec le bilan jusqu'en 2010 [c'est-à-dire la fin anticipée du troisième mandat de Pierre André]". Même enthousiasme accompagné d'un zeste de prudence de la part de Jacques Héry, n°3 sur la liste socialiste : "Son bilan est relativement positif". Un seul ose contester ouvertement Pierre André, c'est Olivier Tournay, tête de liste communiste : "Pierre André estime qu'en 1995, la ville était en déclin. Mais non, c'est maintenant qu'elle est en déclin".

Et moi, j'en pense quoi ? C'est embarrassant ! Pierre André a été maire pendant 15 ans et Xavier Bertrand pendant 3 ans. C'est la même politique qui se prolonge jusqu'à aujourd'hui ! Si je dis que le premier a tout bon, je ne peux plus dire que le second a tout faux ... En vérité, ce qu'il faut dire, ce n'est ni l'un ni l'autre, mais simplement que d'autres choix étaient possibles, comme j'ai tenté de le montrer dans plusieurs billets récents. Sinon, je ne vois pas comment on peut proposer une véritable alternative. Entre Pierre André et Xavier Bertrand, on n'est pas passé de la lumière à l'obscurité ! Les hommes changent, la ligne politique reste.

Parmi les autres réactions politiques, j'en ai retenu trois. Jean-Pierre Lançon (PS) : "Xavier Bertrand, sous ses airs de gentil, c'est un gentil méchant", déplore-t-il. Moralement, il a raison, mais je crains que la politique ne soit faite que de faux gentils et de vrais méchants. Un gentil gentil, ça ne donnerait rien, ce serait un éternel perdant. Antonio Ribeiro : "Je n'ai jamais changé mon fusil d'épaule depuis que je suis au conseil municipal". Il ne se souvient plus qu'il s'est fait élire au titre du MRC sur la liste de gauche, qu'il a rejoint au bout de six mois la droite en adhérant à la Gauche Moderne, et qu'il est maintenant dans une nouvelle organisation, la Gauche Moderne et Républicaine (entre temps, il a soutenu Anne Ferreira aux législatives et actuellement Xavier Bertrand aux municipales). Il a tellement changé son fusil d'épaule qu'il a dû malencontreusement se loger une balle dans le cerveau, qui lui a fait tout oublier !

J'ai gardé le pire pour la fin, Yannick Lejeune, tête de liste FN, qui déclare : "Je ne serais pas venu aux voeux du maire [si le frontiste avait été présent à Saint-Quentin]". Parfait : je lui conseille même, dans la foulée, de ne pas être candidat, et même de dégager de la vie politique locale, qui se portera très bien sans lui.