dimanche 19 janvier 2014

Bouge-toi ma Picardie !



Des amis de gauche m'invitent à signer la pétition Touche pas à ma Picardie ! qui vise à maintenir notre région en l'état. J'avais refusé il y a six ans, je n'ai pas changé d'avis, je suis même conforté par les nouvelles propositions de François Hollande : réduction du nombre de régions de 22 à 15, renforcement et clarification de leurs compétences, maintien des départements, incitation à des regroupements régionaux par des bonus financiers. Si j'avais le temps, je lancerais même ma propre pétition : Bouge-toi ma Picardie !

D'abord, le passage de 22 à 15 régions obligera forcément les petites régions, dont fait partie la Picardie, à en rejoindre de plus grandes. La question n'est donc plus de savoir s'il faut préserver la Picardie ou pas : notre région va changer de périmètre, c'est certain. La vraie question, le choix politique, c'est de décider de quelle région nous allons nous rapprocher, avec laquelle allons-nous lier notre destin, chaque département pouvant bien sûr défendre des positions différentes. Pour l'Aisne, trois possibilités s'offrent :

1- rejoindre le Nord-Pas de Calais, constituer un Grand Nord, incluant la Somme et éventuellement la Champagne-Ardennes (c'est ce qu'évoque Yves Daudigny, président du Conseil général de l'Aisne, dans L'Aisne Nouvelle d'hier, p.5). Ce pourrait être la préférence naturelle de Saint-Quentin, tournée vers l'axe Amiens-Lille, se sentant des affinités avec Cambrai et Valenciennes.

2- rejoindre exclusivement la Champagne-Ardennes, option que Jean-Pierre Balligand, ancien président du Conseil général de l'Aisne, a souvent préconisée. Le sud de l'Aisne s'y retrouverait assez bien, le nord un peu moins, mais Reims n'est pas non plus une métropole qui nous est étrangère.

3- rejoindre la région parisienne, l'Ile-de-France, en compagnie de nos voisins de l'Oise. Saint-Quentin est à 1h20 en train de Paris, 1h30 par l'autoroute : c'est la porte d'à côté. Château-Thierry et Villers-Cotteret sont des villes qu'on peut qualifier de parisiennes, même Soissons, sous certains aspects. Laon n'est pas non plus très loin de la capitale, par le rail. La Thiérache en revanche s'en éloigne. L'un dans l'autre, sachant que la perfection est inatteignable, cette solution aurait ma préférence.

Claude Gewerc, président du Conseil régional de Picardie, premier concerné par cette réforme, propose une "coopération interrégionale", écartant ainsi la fusion de la région avec une ou d'autres. Non, ce n'est pas une réponse à la hauteur de l'ambition du président Hollande : ce type de "coopération" existe déjà et ne constituerait pas une entité nouvelle. Xavier Bertrand suggère carrément de fusionner départements et régions, par le biais d'un référendum. La mesure laisse entendre que les départements ne serviraient à rien, ce qui n'est pas le cas ; et elle ne touche pas au nombre et au découpage des régions : dans sa radicalité, elle est aussi conservatrice.

Les partisans du statu quo crient à la disparition de la Picardie ! Mais non : son organisation politique et administrative en serait modifiée, mais sa réalité historique et culturelle inchangée. Les cultures locales existent par elles-même ; elles ne sont pas affectées, lorsqu'elles sont vivantes et fortes, par les évolutions de structures. Mon Berry natal n'existe plus, depuis longtemps, comme entité politique et administrative, mais le Berry, dans son patois, ses traditions, ses us et coutumes, est toujours présent. Il en sera de même pour notre Picardie. Et puis, quand on est de gauche, on ne se laisse pas prendre par ce genre d'argument : ce n'est pas le passé qui compte, c'est l'avenir. La Révolution française a supprimé les provinces et créé ex nihilo les départements : le projet de François Hollande ne va pas si loin !

Il y a bien sûr des arguments plus sérieux, moins réactionnaires. J'en vois deux principaux :

1- La puissance d'une région ne dépend pas de sa taille. Oui, j'en conviens, de même qu'un pays peut être petit et très développé, et une immense contrée très miséreuse. Mais la Picardie est-elle riche ? Non, son taux de chômage est parmi les plus importants, ses résultats scolaires sont parmi les derniers, la région ne dispose que d'une seule grande métropole, Amiens. La Picardie ne peut donc que gagner à s'ouvrir, à voir plus grand, à se désenclaver.

2- Les régions ne représentent que 2% des dépenses publiques, dit le socialiste Philippe Massein. J'entends bien, mais vous connaissez ma méfiance à l'égard des chiffres, et plus encore envers les pourcentages. D'abord, l'économie d'échelle serait réelle, en dehors de toute comparaison qui la relativise. Surtout, cette statistique purement factuelle ne dit absolument rien des gains en matière de développement que représenterait pour la Picardie l'entrée dans un ensemble régional plus vaste. L'argument n'est donc pas décisif.

Bouge-toi ma Picardie ! Oui, c'est le débat qu'il faudra avoir, principalement en vue des élections régionales et cantonales de l'an prochain.

2 commentaires:

Sylvain a dit…

Emmanuel,

je partage totalement ton point de vue.

Le matin, quand je me lève, j'ouvre mes volets et que vois-je? La marne et les vignobles de champagne. Alors forcément, on se sent davantage "champardenais" que picard...

Emmanuel Mousset a dit…

Peut-être même qu'avec un coup d'oeil très attentif, tu aperçois un bout de tour eiffel ...