vendredi 10 janvier 2014

Des voeux pas comme les autres



Dans le carré de tête, le seul endroit où l'on a le privilège d'être assis, juste devant la scène, le colonel Maurice Dutel s'impatientait, en regardant sa montre. Pour un militaire, après l'heure c'est plus l'heure, et Xavier Bertrand se faisait attendre depuis quelques minutes seulement. A l'autre bout de la grande salle du palais de Fervaques, les frères Dutfoy, noeuds pap et tout de blanc vêtus, faisaient pourtant patienter les milliers d'invités, Serge au piano et Didier à la contrebasse. Mais le colonel n'est peut-être pas sensible aux airs de jazz ...

Vous l'avez compris : nous sommes à la cérémonie des voeux du maire de Saint-Quentin, des voeux cette année pas comme les autres. L'an dernier, l'évanoui était sur scène, en la personne du docteur Huguet ; cette année, parmi le public, interrompant le discours de Xavier Bertrand ; mais c'est un autre docteur, élu lui aussi, qui est allé lui porter secours, Jean-Claude Natteau. Des voeux pas comme les autres, parce qu'il n'était pas question de parler des élections municipales, alors que tout le monde ne pensait qu'à ça, n'était venu que pour ça. Des voeux enfin pas comme les autres, parce que présentés non par le seul maire, mais à deux, Pierre André et Xavier Bertrand. Des voeux qu'il fallait donc tout particulièrement décodés, en lisant entre les lignes, en interprétant certains allusions.

D'abord, la présence des deux hommes, le maire et le président de l'agglomération, côte à côte : le signe politique est fort, évident, la droite affiche son indéfectible et ancienne unité, elle sait qu'on ne gagne pas divisé, qu'il faut surjouer le rassemblement. Pierre André est électoralement bankable. Il parle le premier, pour dire aux Saint-Quentinois "merci et au revoir". L'heure n'est pas au bilan, affirme-t-il, mais c'est tout de même un bilan de son action qu'il va brosser à grands traits. En commençant par rappeler qu'il a créé il y a 18 ans cette cérémonie des voeux, qu'elle rassemble dans la diversité (probable allusion à Michel Garand, candidat socialiste, qui a critiqué dans la presse son coût, en la voulant plus modeste).

L'ancien maire égrène ensuite les qualités personnelles qu'il faut pour être un bon maire : volonté, détermination, coeur. Et il termine par une qualité collective, sur laquelle il insiste : avoir une bonne équipe. Il cite alors Xavier Bertrand, "le meilleur d'entre nous", qui atteindra peut-être un jour "la première marche", et ... Jérôme Lavrilleux, "acteur incontournable de la vie politique française". Ces deux-là sont pourtant en concurrence féroce dans les instances nationales de l'UMP. Mais celui qui demeure le chef respecté de la droite saint-quentinoise tient à les voir rassemblés, dans ce qui reste sa ville (Lavrilleux était d'ailleurs présent, sur la scène). Pierre André cite également Pascale Gruny, et singulièrement, dans ces voeux pas comme les autres, deux femmes qui pourtant ne sont pas des élues, Frédérique Macarez et Christelle Chabanne. Mais il est notoire qu'elles ont plus de poids et d'influence que bien des élus.

Pierre André a terminé par un coup de griffe cette fois certain, mais qu'il avait déjà porté, contre Michel Garand, sans toutefois le citer : "Ce n'est pas à 67 ans qu'on commence ou qu'on reprend du service. Ceux-là, il faut les mettre à la retraite". Ses derniers mots auront été dit dans un style très présidentiel : "Vive Saint-Quentin, vive la République, vive la France !"

Prenant à son tour la parole, Xavier Bertrand fait l'éloge de Pierre André, et dans un geste très consensuel qu'il n'a pas toujours eu, il cite Braconnier, Le Meur, Arnould et Laroche. Et dans l'élan, il lance même à la Région et au Département, avec lesquels il n'est pas habituellement très tendre, un "aidez-nous", après avoir cité Monique Ryo et Colette Blériot. Ceux qu'il fallait citer l'auront été. Le colonel Dutel, qui ne regarde plus sa montre, le sait : pas un bouton de guêtres ne doit manquer. Xavier Bertrand, lui aussi, a sa définition d'un bon maire : ne pas être agressif, sectaire. Lui aussi évoque le bilan, et les projets, comme autant de contre-feux à l'approche de la campagne des municipales (la démographie de la ville, les commerces de la rue d'Isle, etc).

Le meilleur moment de son discours, le plus lyrique, c'est quand Xavier Bertrand a parlé du centenaire de la Grande Guerre, point de départ d'une brève histoire de Saint-Quentin, "une ville pas comme les autres", qui a traversé des épreuves, qui a su se relever, parce qu'elle voit loin, parce qu'elle a de l'ambition. Mais dans ces voeux pas comme les autres, qu'il fallait décrypter, Xavier Bertrand ne voulait-il pas dire que lui aussi n'était pas un maire comme les autres, qu'il était animé par une grande ambition, cette "première marche" élyséenne dont parlait Pierre André ? Il aura terminé son discours d'une manière moins présidentielle que son prédécesseur : "Bonne santé à Saint-Quentin !"

Qu'est-ce que l'opposition doit répondre à ce double discours des voeux ? Rien du tout ! La gauche ne doit pas être dans le commentaire, mais dans l'action et la proposition. Si Michel Garand est un lion de la politique (et dans une jungle, il vaut mieux être lion que guenon), il ignorera superbement les coups de griffe. Et surtout, il fera ses propres voeux, mobilisera ses partisans et présentera à son tour ses propositions, comme un lion qui veut être roi.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Des vœux vraiment pas comme les autres se sera quand le maire qui accueillera les st quentinois au palais de Fervaques sera de gauche.