jeudi 23 janvier 2014

Je n'habite plus en France



Le sondage (Ipsos-Steria) paru dans Le Monde daté d'hier est stupéfiant. En le lisant, je me demande dans quel pays j'habite ! Commençons par la confiance envers les institutions : qu'est-ce qui vient en premier, à 84% ? Les PME et PMI ! Je n'ai rien contre ces entreprises petites et moyennes, mais il ne me viendrait pas à l'idée de les ranger parmi les institutions de notre pays (de même que les associations, qui, elles, ne figurent pas dans le sondage). Une institution, c'est un modèle national : l'Armée, la Police, l'Ecole, la Justice, l'Assemblée nationale, ... L'institution est unique et s'écrit avec une majuscule, pour marquer son importance.

Les PME et PMI ont incontestablement utiles et indispensables à la vie économique du pays, mais on ne peut pas correctement les qualifier d'institutions. Ce choix très majoritaire des Français, je l'interprète plutôt comme un rejet des institutions, au bénéfice d'une activité économique qui n'est pas d'ordre institutionnel. Et pourquoi les petites et moyennes entreprises, et pas les grandes ? C'est sans doute la clé de ce sondage et de ce qu'il traduit : les Français aiment ce qui est à leur image, petit et moyen, excluant tout projet ou tout rêve de grandeur.

L'enquête expose un véritable abaissement moral de l'esprit public. "C'était mieux avant", cette connerie est approuvée à 74%. Il faut avoir la mémoire très courte pour penser ça ! Le rapport à autrui est au fondement de la vie en société : 79% estiment qu'on n'est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres. Bref, sous des mots choisis et atténués, il faut comprendre une trouille généralisée. Après la trouille, la schlague (les deux vont ensemble, comme la cause et l'effet) : 87% sont en demande d'ordre et d'autorité (c'est d'ailleurs contradictoire : d'un côté, les Français contestent les institutions, de l'autre, ils réclament le retour de l'autorité : qu'ils commencent donc par respecter les institutions, qui sont à la source de l'autorité !).

Sur la politique, les résultats ne sont pas tristes ! (c'est-à-dire qu'ils sont affligeants). 8% seulement ont confiance aux partis politiques. Affolant, quand on sait que les partis sont les piliers de la démocratie ! Mais la démocratie elle-même fait les frais de ce grand rejet de tout et de n'importe quoi : 78% pensent que la démocratie fonctionne mal en France. Aberrant, quand on sait que certains pays viennent chercher chez nous des leçons de démocratie pour pouvoir construire la leur !

Les hommes politiques ? C'est pire ! 65% affirment que la plupart des hommes politiques sont corrompus et 84% qu'ils n'agissent principalement que pour leurs intérêts personnels. On se demande alors pourquoi les Français continuent d'aller voter ! Il y a certes des reproches à faire à notre classe politique, personne n'échappant à la critique : mais les accusations graves de corruption et d'intéressement nient la fonction même de l'homme politique, normalement porté à la justice et au dévouement. Ce sont donc des jugements consternants.

Sur l'immigration, 66% estiment qu'il y a trop d'étrangers en France. Cette perception n'a rien d'objectif : à partir de quelle quantité y a-t-il trop d'étrangers dans notre pays ? Pour ma part, je pense qu'il faut maîtriser, réguler et rationaliser l'immigration, mais je ne trouve pas qu'il y ait trop d'étrangers en France. Derrière cette formule a priori anodine, je sens la mauvaise haleine de la xénophobie. D'ailleurs, le parti qui la pratique, le Front national, est considéré comme utile par 47% de l'échantillon, alors que ce parti est, à mes yeux, profondément nuisible et qu'il n'apporte strictement rien à notre vie démocratique.

Sur l'Europe, 70% veulent limiter ses pouvoirs, alors que j'aimerais ... les augmenter. 45% seulement considèrent comme une bonne chose d'appartenir à l'Europe. Conséquence logique : 61% rejettent la mondialisation et 58% aspire au protectionnisme. Moi, c'est tout l'inverse : la mondialisation me semble positive et le protectionnisme délétère.

J'ai gardé le pire pour la fin : 85% jugent que la France est en déclin. Nous sommes la cinquième puissance économique au monde, nous disposons de l'arme nucléaire, notre culture rayonne à travers la planète, nous avons un passé prestigieux, l'avenir nous tend les bras pourvu que nous le voulions ... mais les Français pensent être sur la voie du déclin ! Le Monde parle de déprime. Je crois que les Français ne croient plus en leur pays parce qu'ils ne croient plus en rien du tout, pas même à eux-mêmes (qu'est-ce que la France, sinon l'ensemble des Français ?). Il est significatif que la religion n'apparaisse dans aucune question du sondage. Qu'on y adhère ou pas, c'est autre chose, mais il faut constater la religion a été pendant des millénaires une grande pourvoyeuse de croyances. Cette absence est un signe.

A l'issue de ce sondage, je suis un peu gêné : il est presque indécent, obscène de se dire optimiste, confiant et même heureux, de s'enthousiasmer pour la politique et l'Europe, de ne pas craindre les immigrés ni la mondialisation. Suis-je normal ? Faut-il que je me soigne ? Je suis tellement Français, mais j'ai l'impression de ne plus habiter en France.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai lu votre article, la première chose qui me vient à l'esprit est que vous êtes un doux rêveur et cela vous empêche de voir les choses telles qu'elles sont réellement. En lisant vos lignes, on constate que vous n'avez que dédain pour le Français et vous dites aimer la France ? Vous critiquez la plupart des contradictions "françaises" mais vous en êtes rempli vous-même.
Il faut comprendre que le pays est grand (par sa dimension) quand on sait que déjà à partir de deux il y a des risques de désaccord, vous comprendrez que sur le nombre total des Français il puisse y avoir tant d'opinions divergentes. Vos propos me laissent penser que vous êtes aisé et que vous ne connaissez pas la misère telle que la vivent des milliers de Français ; ils sont fatigués de toutes ces arnaques pendant que les représentants de notre pays se gavent et ne savent pas se restreindre : "Fais ce que je te dis, pas ce que je fais". Un jour que je faisais faire les devoirs scolaires de ma fille, au cm2 alors, elle avait une explication concernant les représentants de notre pays qui se ramenait à peu près à ceci : le roi est le chef de la France ; le président est le représentant des Français ; mais ce que l'on peut constater aujourd'hui, ceux-ci ne représentent plus les Français mais se conduisent bel et bien comme des chefs d'une monarchie absolue. La preuve, dans beaucoup de conversations, un ancien très récent a été comparé à Louis XIV et la maîtresse de l'actuel à Marie-Antoinette, ça décoiffe ! Vous vous moquez doucement de ceux qui disent que c'était mieux avant : oui c'était mieux avant car, quand on compare aujourd'hui à il y a 30 ans, il y a une nette différence : aujourd'hui on est arrivé à un Etat d'interdits (pour nous le petit Français naturellement)! Faut bien un exutoire et c'est sur le petit peuple que l'on frappe, c'est tellement plus facile. La meilleure façon d'écraser les gens c'est de les faire culpabiliser et c'est votre technique à vous les philosophes, politiciens de tout acabit. Vous ne vous sentez plus en France, vous êtes-vous seulement senti Français une seule fois ? Odile S.