vendredi 31 janvier 2014

Ciao Cavanna !



Cavanna, disparu avant-hier, c'était d'abord pour moi une gueule comme on n'en fait plus, un physique. Je l'avais croisé il y a quelques années chez Gibert, boulevard Saint-Michel à Paris, plus vrai que nature ! Une tête de personnage de BD ... J'aimais aussi sa voix, qui avait quelque chose d'envoûtant : à l'entendre parler, même quand je n'étais pas d'accord avec lui, il m'obligeait à le suivre, à partager ses idées, tant sa force de persuasion était grande.

Ses idées, justement, c'est ce que j'appréciais par dessus tout chez lui (pas tellement ses dessins, ni ses autobiographies à succès). Je lisais sa chronique dans Charlie, ma préférée de tout le journal. Je ne le suivais pas toujours dans ses réflexions, loin de là ; mais il me faisait toujours réfléchir. Bien sûr, j'appréciais son côté militant laïque, républicain fervent ; un peu moins le libre penseur ou le bouffeur de curé qui me paraissaient parfois d'un autre âge. Il y avait du Charlie-hebdo (ça m'allait) et du Hara-Kiri (pas trop mon truc) en lui. Je crois que c'était un anarchiste joyeux, ce qui est tout de même plus intéressant qu'un socialiste triste.

Je me souviens que mon prof de philo, en 1979, recommandait aux élèves la lecture de François Cavanna, parce que cet iconoclaste, ce rebelle, cet insoumis avait le respect absolu des règles ... de la langue française, dont il était un grand amoureux, lui dont les origines étaient italiennes. Il y avait aussi une dimension fort méconnue de son personnage qui m'intéressait vivement, qui est aujourd'hui à peu près complètement oubliée : ce sont ses méditations sur l'immortalité humaine, dans son ouvrage "Stop-Crève".

Non pas que Cavanna craignait cette mort dans laquelle il vient d'entrer, mais il trouvait très dommage d'avoir à mourir (et je suis d'accord avec lui !). Du coup, il estimait que l'objectif qui devait mobiliser la société, la science et l'Etat, c'était la recherche de l'immortalité ! Rien de mystique ou de surnaturel dans sa préoccupation, qu'il essayait de rendre la plus rationnelle possible. Au fil du temps, il me semble qu'il avait abandonné ce projet. Aujourd'hui, c'est trop tard : Cavanna restera immortel, seulement dans nos coeurs. Ce qui n'est déjà pas si mal. Ciao l'ami !

2 commentaires:

Erwan Blesbois a dit…

Je ne suis absolument pas d'accord pour l'immortalité. L'immortalité n'est pas une affaire de raison, c'est affaire de foi, on y croit ou non. Je pense que si nous devons être jugé c'est sur le bien et le mal que nous aurons fait sur cette planète. L'immortalité permettrait aux nuisibles de s'en sortir à trop bon compté. Et tu sembles totalement ignorer ou feindre d’ignorer (un déni?), l'existence des nuisibles. De même que l'injustice et le mal ici-bas. Or la mort est le seul élément de justice en ce bas-monde, qui vient punir les riches et les puissants de leur triomphe injuste (nous ne pouvons pas être au-delà) et soulager les humbles de leur souffrance. Jusqu'à nouvel ordre la gauche, héritière de Victor Hugo n'a pas réussi à améliorer le sort des démunis à l'échelle mondiale. LA situation je le pense, s'est même aggravée. Donc le projet de la gauche est un échec. Les sciences et techniques ne résolvent rien. Notre intelligence est dans l'impasse. Il faut être un égoïste ou idéaliste incurable pour le nier.
Pour ma part je suis plus catholique, que protestant, plus Français qu'Anglais, plus de gauche que de droite, je ne pense pas que nous serons sauvés par la réussite sociale qui est effectivement un reflet de l'intelligence. J'admire beaucoup Nietzsche, mais je ne suis absolument pas nietzschéen. Je crois en effet que si nous devons être sauvés c'est par nos actions, et que nous serons jugés par le bien et le mal que nous avons fait aux autres. Si il en est autrement, si une majorité d'hommes pensent qu'il en est autrement, alors nous sommes tous perdus. Pour ce qui est du bien, je l'appréhende confusément, je n'en ai pas bien conscience; mais le mal j'en ai pleinement conscience, j'en ai été frappé de plein fouet par mes parents inconscients, mauvais et égoïstes. C'est pour cette raison que je refuse d'admettre que le mal est une affaire privée.

Erwan Blesbois a dit…

Cavanna n'a probablement trouvé que très peu d'amour dans la religion catholique. Et effectivement la religion en soi n'apporte que très peu d'amour. Tout dépend des gens que l'on a rencontré et qui ont incarné la religion ou la raison sous la forme de l'amour. L'amour permet de relier et la haine divise, fait éclater le lien (Lucrèce?). Les deux principes qui fondent l'existence sont l'amour et la haine (Empédocle?). Tout dépend des gens que l'on rencontre et qui incarnent un de ces deux principes. Rien n'est bon ni mauvais en soi, tout est relatif. C'est la relation duelle qui permet la création. Rien n'est un (Parménide?), tout est au moins duelle. Je ne suis pas non plus un catholique fanatique, mais un catholique de circonstance (ma relation à ma grand-mère).