dimanche 24 novembre 2013

U-na-ni-mi-té



Jeudi soir, parmi le petit peuple socialiste de Saint-Quentin dont je suis, aux résultats du vote pour la liste municipale, un mot revenait dans toutes les bouches, surgi du coeur et de la raison, un cri de victoire et de soulagement : u-na-ni-mi-té ! On se souvient de notre camarade Ségolène Royal s'écriant : fra-ter-ni-té ! J'y ai un peu pensé ... Peu importe le flacon, c'est-à-dire le nombre de votants, pourvu qu'on ait l'ivresse du vote : u-na-ni-mi-té !

Un étranger au parti pourrait s'étonner : après tout, entre socialistes, pour adopter une liste unique, quoi de plus normal que l'unanimité, quoi d'exceptionnel à ce que des socialistes votent pour des socialistes, c'est-à-dire pour eux-mêmes ? Eh bien non : l'histoire récente, et même ancienne, des socialistes saint-quentinois a été celle des divisions et des votes ric-rac, le pire dans le genre ayant eu lieu aux dernières élections municipales, où la liste rejetée par la majorité a quand même été ... adoptée ! Il est donc loisible de se délecter de cette u-na-ni-mi-té aussi gouleyante qu'un verre de beaujolais nouveau glissant dans un gosier socialiste en ce jeudi soir historique. U-na-ni-mi-té !

A qui devons-nous ce miracle laïque ? A Michel Garand, bien sûr : c'est notre Henri IV, qui rassemble autour de son panache blanc. Pourvu que Xavier Bertrand ne soit pas son Ravaillac ! La tête de liste socialiste a annoncé, dans L'Aisne Nouvelle d'hier, que la liste complète était "bouclée", mais qu'il attendait janvier, la déclaration (ou non) de l'actuel maire, pour la dévoiler. En attendant, les colistiers socialistes sont connus, ils sont 24 (avec Michel), ce qui laisse 19 places pour les partenaires et la société civile (c'est-à-dire les personnalités locales). Quant on sait que nos alliées, EELV, PRG, MRC et IDG, n'ont pas une très forte représentativité, ni de puissants leaders sur la ville, il est probable que la part belle va être accordée à la dite société civile. Beaucoup plus que l'unanimité du vote, c'est cette donnée qui me semble la plus importante et la plus novatrice : moi-même, durant la campagne interne pour la désignation de la tête de liste, j'avais proposé que la moitié des places soient réservées à des personnalités connues, engagées, influentes. Nous n'en sommes pas très loin, c'est le bon choix.

Evidemment, avec l'introduction de nos partenaires et des représentants de la société civile, l'ordre et la composition de la liste vont être modifiés. Les Verts vont forcément demander une place éligible (c'est ce qui s'est passé en 2001 et 2008), donc parmi les premières. Le PRG et le MRC feront probablement de même, en vertu des accords nationaux entre ces petites formations et le parti socialiste. IDG, qui n'a qu'une existence locale, et une inexistence militante sur Saint-Quentin, sera sans doute moins exigeante (mais c'est à voir : plus on est petit, plus on est gourmand, et on vient sur une liste pour avoir des élus, pas pour les beaux yeux des socialos). Quant à la société civile, je verrais d'un bon oeil une forte personnalité locale en n°2, pour seconder Michel Garand et suppléer à Anne Ferreira, qui avait ma préférence. Il en ressort que Stéphane Andurand, par exemple, n°2 de la Fédération et n°5 sur la liste, qui aurait bien voulu être n°3, selon ses confidences au Courrier picard d'hier, pourrait fort bien se retrouver en n°7 ou n°9, la parité accélérant la dégringolade.

Comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, nous avons appris, toujours dans le Courrier picard d'hier, que José Ribeiro, l'acolyte de Stéphane Monnoyer, après avoir "mûrement réfléchi", renonçait à rejoindre la liste socialiste. Il en va ainsi avec les mûrissements prolongés : quand la poire est blette, elle tombe toute seule. Souhaitons que Monnoyer suive le même mouvement.

Au stade où nous en sommes, je n'exige qu'une seule chose des colistiers pour lesquels j'ai jeudi soir voté : qu'une fois élus, et les premiers le seront automatiquement, ils s'engagent à siéger et qu'ils assurent leur mission de représentation dans les divers événements locaux, contrairement à ce qui a pu se passer durant les trois précédents mandats. Pour le reste, je suis persuadé qu'ils feront de leur mieux.

J'aimerais aussi rappeler, à ces 24 heureux élus (qui ne le seront peut-être pas tous au final), qu'il y a une différence notoire entre avoir une place et faire sa place. Dans l'actuelle équipe d'opposition, trois élus sur huit (ou neuf, selon qu'on y range ou non Antonio Ribeiro) ont vraiment émergé, se sont fait remarquer, ont "imprimé", comme on dit aujourd'hui : dans des styles très différents, Jean-Pierre Lançon tonitruant et capitalisant un historique, Michel Aurigny, méticuleux et maître de lui, Olivier Tournay, éloquent et convaincant. Mais qui se souvient des autres ? Ce n'est d'ailleurs pas une critique : être élu d'opposition, je l'ai souvent dit sur ce blog, c'est un métier de chien, et pour pas un rond. Il n'y a que des ambitieux ou des fanatiques qui peuvent s'y coller. Quelqu'un de normal dit non.

Les candidats sont donc des courageux, peut-être même des inconscients, mais il faut une petite part de folie pour cette mission impossible qu'est la politique. Qu'ils sachent qu'ils auront au dessus d'eux, à chaque séance du Conseil municipal, un observateur attentif et un ardent supporter, qui surplombe la salle depuis une éternité, très exactement quinze ans : ce n'est pas Dieu le Père, dont le mandat est beaucoup plus long ... c'est seulement votre serviteur, invariablement à la même place, sur son banc de bois, à droite face au maire, et presque devant la table de la presse.

Aux 24 qu'on connaît, aux 19 qu'on attend, il n'y a qu'une chose à souhaiter, qui réglerait tout parce que c'est l'alpha et l'oméga de la vie politique : la réussite, la victoire, mais la vraie, pas le lot de fausse consolation d'être élu d'opposition (voyez comme Lançon en a soupé, même lui qui n'est pas un enfant de choeur n'en veut plus), l'installation d'une équipe socialiste en mairie de Saint-Quentin. Alors, ce n'est plus u-na-ni-mi-té que le petit peuple socialiste de Saint-Quentin pourra scander, c'est ma-jo-ri-té ! un cri autrement plus réjouissant.

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